Hanz Gutierrez, Au temps du coronavirus

Hanz Gutierrez, Au temps du coronavirus Chroniques d’un monde en quête de remèdes, Villeurbane 2021, Éditions Palanquée – ISBN 978-2-9557870-8-3 – 144 pages – 11 €

Originaire du Pérou, Hanz Gutierrez est diplômé en philosophie, en théologie et en médecine. Passionné par les sciences humaines et religieuses, il s’intéresse aux questions de bioéthique et de santé. Sa curiosité des autres et du monde qui l’entoure le rend sensible aux arts et à la littérature. Après avoir été étudiant, enseignant et chercheur dans les universités de Strasbourg (où il a défendu une thèse sur l’herméneutique de Jürgen Moltmann), Loma-Linda (Californie) et Tübingen (Allemagne), il est aujourd’hui professeur à la Faculté de théologie adventiste à Florence, en Italie. Lire la suite »

Thérèse Glardon, Cet amour qui nous grandit

Thérèse Glardon, Cet amour qui nous grandit – Dialogues avec le Bien-Aimé dans le Cantique des cantiques, Coll. « Petite Bibliothèque de Spiritualité » Genève 2020. Éd. Labor et Fides – ISBN : 978-2-8309-1722-2 – 256 pages – CHF 23,– ou € 18,00.

Thèrèse Glardon, bien connue des lecteurs de Hokhma, a été professeur d’hébreu biblique à la Faculté de Théologie de Lausanne ; elle a écrit notamment « Ces crises qui nous font naître » et « Ces Psaumes qui nous font vivre ». Elle anime encore des sessions d’hébreu dans le cadre de l’Atelier Romande des Langues bibliques ».

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La critique canonique

L’expression « critique canonique » désigne un ensemble d’approches qui cherchent à tenir compte de la forme finale (« canonique ») du texte biblique, ou des implications du processus canonique pour l’exégèse, notamment dans le domaine de l’Ancien Testament. Il doit une grande partie de son impulsion à Brevard S. Childs (1923-2007), bibliste vétérotestamentaire et théologien américain qui a élaboré sa méthode dans plusieurs ouvrages, en particulier dans son Introduction to the Old Testament as Scripture1. La critique canonique connaît un rayonnement bien au-delà des travaux de Childs ; le présent article s’y attachera toutefois en priorité, tant les développements ultérieurs sont liés à ce point de départ. Lire la suite »

  1. B. S. Childs, Introduction to the Old Testament as Scripture, Londres, SCM, 1987 (première édition 1979). Les références à cet ouvrage se limiteront surtout, dans la suite, à l’indication des pages, entre crochets dans le texte. Un numéro entier du Journal for the Study of the Old Testament a été consacré à l’Introduction peu après sa parution : JSOT 5/16 (1980). Cf. aussi The Princeton Theological Review 38/1 (2008), contenant plusieurs articles sur Childs, suite à son décès.

Sortie du N°118

Notre N° 118 est sorti à l’automne 2020, et c’est notre joie de maintenant l’annoncer en ligne.

Ce numéro spécial comporte les actes de la rencontre de l’Association Francophone Européenne de Théologie Évangélique, portant sur l’Évangile selon Jean « ces choses ont été écrites pour que vous croyiez ».

Nous avons le plaisir d’offrir en accès complet et gratuit un article d’un spécialiste majeur, Richard Bauckham : Pourquoi l’Évangile de Jean est-il différent des autres ?

De même, en accès complet la recension de La Bible – Nouvelle Français Courant (NFC).

Le numéro peut être commandé depuis le site de notre partenaire Croire Publications.

La Bible – Nouvelle Français Courant (NFC)

Pour ce numéro bien fourni avec les actes de l’AFETE, nous avons fait le choix de ne pas inclure des recensions nombreuses et variées ; celles-ci étant pour la plupart reportée à notre prochain numéro. Nous avons cependant inclus la recension de la Bible Nouvelle Français courant, au vu de l’importance de la sortie d’une nouvelle traduction, et du thème fort biblique du présent numéro.

La Bible – Nouvelle Français Courant (NFC) –Éditions Bibli’O, Paris 2019 – ISBN : 9782853007337 – 1650 p. (sans deutérocanoniques) – € 18.90 ou CHF 26.30. – cette bible existe en divers formats avec couverture rigide ou de luxe, avec ou sans les livres deutérocanoniques – et bien entendu les prix varient.

Après le Nouveau Testament Bonnes Nouvelles Aujourd’hui , en 1971, paraissait, en 1982, la Bible entière en Français courant . Cette traduction d’un nouveau genre devait répondre aux besoins des personnes pour qui les traductions bibliques traditionnelles étaient trop difficiles à comprendre. En effet, les traducteurs ne tentaient plus de décalquer les textes originaux, grecs ou hébreux, pour les rendre en français, ce qui donnait parfois des phrases longues et difficiles à comprendre, mêlées de « patois de canaan » 1 . À la place, ils essayaient de trouver la formulation susceptible de rendre, le plus naturellement possible en français, le sens exact du texte biblique. On parle d’équivalence dynamique ou fonctionnelle, par opposition à l’équivalence formelle des Bibles traditionnelles. Cette traduction connut un immense succès. Elle fut révisée en 1997 et vient d’être revue en 2019. En effet, en une génération, le français évolue, la recherche biblique avance, des découvertes archéologiques ou linguistiques jettent des éclairages nouveaux sur les textes bibliques et permettent ainsi d’améliorer la manière de les traduire.

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  1. On n’y trouve plus de termes comme péager, hémorroïsse ou des phrases telles que : « Ceignez les reins de votre entendement » (1P 1,13) ou « Revêtez-vous d’entrailles de miséricorde » (Col 3,12).

Pourquoi l’Évangile de Jean est-il différent des autres ?

Richard Bauckham

Cet article a été traduit par Jonathan Hanley

Pourquoi l’Évangile de Jean est-il différent des trois autres Évangiles ? La plupart des lecteurs qui possèdent une connaissance raisonnable des Évangiles se rendent compte que Jean est différent, même s’ils ont du mal à mettre précisément le doigt sur cette différence. Bien sûr, il est important de noter que les quatre Évangiles sont tous différents les uns des autres. Matthieu, Marc et Luc présentent chacun une version distincte de l’histoire de Jésus et ils la racontent à partir d’une perspective qui leur est propre. Il est également vrai que les quatre Évangiles se ressemblent par bien des aspects importants. Ces similitudes peuvent être mises en évidence en comparant les quatre Évangiles canoniques avec quelques Évangiles non-canoniques, tels ceux, dits gnostiques, de Nag Hammadi. Les quatre Évangiles canoniques racontent l’histoire de Jésus au moins depuis son baptême jusqu’à sa résurrection. Les Évangiles gnostiques ne racontent pas du tout l’histoire de Jésus. La plupart se présentent comme des dialogues qui auraient eu lieu après sa résurrection et dans lesquels Jésus ressuscité parle avec un groupe de ses disciples, révélant des vérités ésotériques qu’il n’avait pas enseignées pendant son ministère public. À la différence de ces Évangiles, les quatre Évangiles canoniques présentent des similitudes frappantes les uns avec les autres. Jean ressemble beaucoup plus aux trois Évangiles synoptiques qu’à tout autre Évangile non-canonique.

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Sortie du N°119

Notre N°119 est sorti ce printemps. Découvrez gratuitement en ligne l’article de Michaël de Luca :Les contes de fées, un genre chrétien ? . Consulter également l’ensemble des recensions :

Le numéro complet peut être commandé sur le site de notre partenaire Croire Publications.

Matthieu Arnold , Oscar Cullman

Matthieu Arnold , Oscar Cullman – un docteur de l’Église, – Coll. « Figures protestantes » – Lyon 2019, Éditions Olivétan – ISBN : 978-2-35479-447-7 – 144 pages – € 15.–

Matthieu Arnold, professeur d’histoire de l’Église à la Faculté Protestante de l’Université de Strasbourg est un spécialiste de la Réforme et du christianisme contemporain ; il a publié des ouvrages sur Martin Luther (dont il dirige la publication des œuvres à la bibliothèque de la Pléïade), Calvin, mais aussi, sur Albert Schweitzer, Dietrich Bonhoeffer et Oscar Cullmann.

L’ouvrage recensé ici a le mérite de présenter aux jeunes qui ne le connaissent pas, un théologien du XX e siècle qui m’a personnellement beaucoup marqué et que j’ai été heureux de mieux connaître par ce moyen.

Chapitre 1  : biographie : Oscar Cullmann (1902-1999) grandit à Strasbourg, y fit ses études de théologie et y enseigna comme maître de conférence. En 1938, répondant à un appel de l’Université de Bâle, il fut nommé professeur de Nouveau Testament et d’histoire de l’Église ancienne. Il occupera ce poste jusqu’à sa retraite, en 1972. Sa thèse de doctorat sur Christ et le temps (1945) lui valut une renommée internationale, suivie de nombreuses invitations à donner des cours dans diverses universités : Strasbourg, Paris (École Pratique des Hautes Études – 1948), Rome, etc.

Chapitre 2  : l’interprète du Nouveau Testament : Cullman, bien que marqué par le libéralisme et pratiquant la méthode historico-critique, n’en fut pas moins, durant les années 1940-1960, une alternative à la pensée de Bultmann pour qui la Bible parle un langage mythique qu’il faut démythologiser  ; le Jésus de l’histoire et le Christ de la foi étant inextricablement mêlés, on peut dire que Jésus ressuscite chaque fois qu’on le voit intervenir dans notre vie. Pour Cullmann, au contraire, la foi doit se relier à un fait de l’histoire, au centre de laquelle se trouve la mort et la résurrection de Jésus. Cet événement fondamental partage l’histoire du salut en deux et marque la défaite des forces du mal. Cette défaite ne sera totalement manifestée que lors du retour de Jésus, mais en attendant, nous vivons dans l’espérance, entre le déjà de la victoire assurée et le pas encore de sa totale manifestation.

Chapitre 3 : le Nouveau Testament et la vie chrétienne. À côté de ses publications scientifiques universitaires, Cullmann a eu à cœur d’écrire plusieurs ouvrages destinés à un plus large public – il considérait que cela relevait de son rôle de docteur  – afin de répondre à des questions de circonstances, par exemple sur le baptême des enfants ou la question de l’immortalité de l’âme ou encore la prière. Ce thème lui tenait à cœur (( À ce sujet, il avait bien voulu rédiger un article paru dans Hokhma No 20, 1982 : La prière dans les épîtres pauliniennes . )) et fut l’objet de son dernier livre : La prière dans le Nouveau Testament, Éd. du Cerf, 1995. Sa thèse est que dans ce temps intermédiaire entre la victoire de Pâques et le retour de Jésus, la prière nous fait participer à la lutte de Dieu contre le diable.

Chapitre 4  : Le chrétien dans le monde : Cullmann restera pondéré, solidement ancré au message biblique et fidèle à l’exemple de Jésus qui a su être critique à l’égard des autorités de son temps, sans céder aux violences révolutionnaires de Zélotes (son livre Dieu et César ). Pendant la période nazie, il soutiendra ses collègues théologiens qui s’opposeront à Hitler.

Chapitre 5 : L’unité des chrétiens : d’un esprit conciliant, admirateur de Bucer, Cullmann marqua très tôt un souci pour l’unité des chrétiens. Ses cours à Rome lui permirent d’entrer en contact avec l’Église catholique romaine où ses livres sur Christ et le temps et sur Saint-Pierre lui attirèrent de la sympathie. Ami de Paul VI, il fut hôte lors du Concile Vatican II. Sa vision de l’œcuménisme ne va pas vers une fusion des Églises : l’unité se fera par la diversité : chaque Église a un charisme à faire valoir en le partageant avec ses sœurs qui l’aideront à le purifier – le péché serait d’en tirer orgueil et de le garder pour soi. Ce processus doit se faire sous la conduite du Saint-Esprit, en étant centré sur le Christ.

La conclusion présente un Oscar Cullmann centré sur le Christ et la Bible qu’il refusait qu’on utilise comme prétexte pour suivre une mode théologique ; il a en toutes choses essayé d’appliquer la maxime d’Ép 4,15 : professer la vérité dans l’amour . Il disait : Il faut tout pardonner , mais pas tout justifier théologiquement.

Le livre de Matthieu Arnold constitue une excellente introduction à l’œuvre de ce que grand exégète du nouveau Testament que fut Oscar Cullmann. Espérons qu’il donnera envie de le lire, à ceux qui ne le connaissent pas.

Alain Décoppet

Michel Onfray , Décadence

Michel Onfray , Décadence – vie et mort du judéo-christianisme, Paris 2017, Éditeur : Flammarion, EAN13:978208138092 – 656 pages – CHF 39,20.

Avec Décadence , Michel Onfray, qu’il n’est plus besoin de présenter ici, vient de publier une trilogie intitulée « Brève encyclopédie du monde » : le premier des trois tomes, Cosmos (2015), présente une philosophie de la nature ; le troisième Sagesse (2019) est consacré à la question de l’éthique et du bonheur. Décadence, le deuxième et le seul que j’aie lu, traite de l’histoire de notre civilisation judéo-chrétienne, qui, comme toutes les autres civilisations, va connaître sa fin. Onfray essaie de comprendre pourquoi elle est arrivée maintenant au bord du gouffre… et ce qu’il voit pour après est sombre : un monde pollué, surchauffé, où seuls les plus riches et les plus débrouillards arriveront à survivre en se protégeant des éléments nuisibles à leur vie. Ce sera un monde à deux vitesses, fait d’un côté de surhommes transhumanisés, aux capacités démultipliées par l’intelligence artificielle et les robots, et, d’un autre côté, d’humanoïdes exploités comme des esclaves et utilisés éventuellement comme réservoirs pour organes de rechange !

Selon Onfray, le christianisme est la cause de tous ces malheurs. Mais avant d’aborder cette question, il me faut faire un détour pour tenter de comprendre la clef d’interprétation de son analyse qui ne m’est apparue que plus avant dans ma lecture. En fait, si j’ai bien compris, Onfray s’en prend fondamentalement au « réalisme philosophique » que le christianisme a véhiculé et transmis au monde moderne. De quoi s’agit-il ? Pour bien le comprendre, il faut remonter au Moyen-âge, à la vieille querelle des universaux entre « réalistes » et « modalistes » 1 , et même plus haut, dans l’Antiquité, puisqu’on trouve la même problématique dans la rivalité entre Platon et Antisthène, le fondateur de l’école cynique. Pour le premier, un cheval n’existerait pas sans la « chevalité » ; ce à quoi Antisthène répliqua par la formule devenue célèbre : « Je vois bien le cheval, mais je ne vois pas la chevalité ! ». Onfray voit, à juste titre, me semble-t-il, derrière le « réalisme philosophique », la cause de tous les absolutismes. En effet, si on prétend qu’une idée non évidente est une réalité, et si l’on veut que les choses de la vie deviennent conformes à cette idée, il faudra tôt ou tard recourir à la coercition pour parvenir à ses fins. C’est pourquoi les pouvoirs politiques ont soutenu les réalistes contre les nominalistes comme Guillaume d’Ockham. Dès lors, on comprend pourquoi Onfray a tendance à rejeter les philosophes des idées, comme Platon, Jean Scott Érigène, Rousseau, contre qui il lance une violente charge à cause de la sanglante révolution française dont il serait le père , mais aussi Hegel et son sens de l’histoire, une idée qui a pu donner naissance au marxisme ou au nazisme… Ces derniers penseurs ne se revendiquent certes pas du christianisme, mais ils ont sécularisé une idée absolue et, à l’instar du christianisme, ont tenté de la réaliser par la force – si ce n’est pas eux, du moins leurs héritiers spirituels. C’est pourquoi Onfray a une nette préférence pour les philosophes matérialistes comme Démocrite, Lucrèce et ceux qui leur ont emboîté le pas en faisant des brèches dans le réalisme philosophique, comme Rabelais, Montaigne, etc.

Pour lui, le christianisme est donc responsable des malheurs du monde, pour avoir repris et véhiculé le « réalisme philosophique » jusqu’à l’époque moderne. À la lumière de l’idéalisme platonicien, Onfray se lance, au début de son ouvrage, dans l’analyse de la vie de Jésus et de Paul. Il conçoit Jésus de Nazareth, dont il ne croit guère à l’existence historique, et le Royaume de Dieu, comme des idées à qui les évangélistes ont donné un corps et une réalité. À ses yeux, le plus coupable dans ce processus est Paul de Tarse qu’il accuse de tous les maux, et d’avoir voulu instaurer un ordre divin auquel il faut se soumettre. Et de rappeler Rm 13,1ss, avec son ordre de se soumettre à toute autorité instituée par Dieu : « Ce n’est pas en vain qu’elle porte le glaive ! ». À ses yeux, Paul est un frustré et un impuissant sexuel (son « écharde dans la chair »), qui par dépit avait en haine la chair, haine qu’il a voulu imposer à tous, pour que tous soient comme lui. Constantin a achevé d’instaurer cet ordre divin , en faisant du christianisme la religion d’État ! Onfray peut ainsi mettre le christianisme et l’islam qu’il présente plus loin, sur le même pied. Selon lui, la phase où Mahomet, à La Mecque, a été un prophète paisible et moral correspond au ministère de Jésus. Ensuite, il y a eu la phase de Médine, qui a son pendant chrétien avec Paul, où la religion se pense et s’organise ; enfin la phase militaire, après la conquête de La Mecque par Mahomet, où l’islam s’impose par la force – il trouve son pendant chrétien avec Constantin. Dès lors, la guerre sainte est justifiée, puis l’inquisition, les procès pour sorcellerie, etc.

Si je peux suivre Onfray dans son analyse de l’histoire à la lumière du réalisme philosophique et de ses conséquences néfastes pour notre monde, en revanche l’utilisation de cette clef de lecture est anachronique pour analyser les débuts du christianisme dont les origines se situent en milieu juif où la pensée grecque n’avait pas pénétré en profondeur : ce n’est que plus tard, en s’inculturant dans le monde gréco-romain, que l’Église a adopté les concepts de la philosophie grecque et que la clef utilisée par Onfray peut fonctionner. Mais concernant les débuts du christianisme, au premier siècle, j’ai été éberlué qu’un écrivain de cette renommée fasse preuve d’une ignorance aussi crasse à ce sujet. Pour lui, Jésus est une création de l’Église, une idée devenue réalité. Pour étayer sa thèse, il fait appel, non seulement aux évangiles canoniques, mais encore aux évangiles apocryphes, parfois très tardifs, qu’il met sur le même plan historique, sans faire aucune analyse critique de ses sources. Ses conclusions ne sont plus soutenables aujourd’hui, face aux recherches les plus récentes sur la vie de Jésus. Les critiques, même les plus sceptiques face aux Évangiles, ne doutent plus qu’il ait existé. D’ailleurs Onfray ne tient pas compte de ces travaux récents dans sa présentation ; en tout cas sa bibliographie ne mentionne pas les noms de John Paul Meier, Jens Schrötter, Daniel Marguerat et autres spécialistes reconnus de la question. Les ouvrages indiqués sont souvent anciens. Le plus récent, de Prosper Alfaric, Jésus a-t-il existé ? date de 2005, mais il s’agit d’une réédition, préfacée par Michel Onfray, d’un ouvrage remontant à 1932 ! … et je n’entrerai pas en discussion sur Paul de Tarse ! Une telle méthodologie a de quoi jeter le discrédit sur l’ensemble de ses allégations.

Mais je n’irai pas jusque là, car sa clef de lecture de l’histoire me paraît intéressante, et l’ensemble de son analyse reste malgré tout pertinente : son cri d’alarme doit être entendu. Il me fait penser à ces prophètes bibliques qui voient notre monde foncer tout droit dans le mur. Le fait que Dieu soit absent de sa vision des choses fait qu’il voit lucidement ce qui va arriver si nous continuons à faire les choses sans tenir compte de la volonté du Seigneur !

Alain Décoppet

  1. Le mot réaliste est au faux ami, car la réalité dont il est question est tout sauf réelle ; les réalistes pensent en effet que les idées ont une existence en soi (un cheval n’existe pas sans l’idée de chevalité ) ; pour les nominalistes, par contre, les noms ne sont qu’un instrument pour désigner des choses concrètes (il y a un cheval réel, par exemple, un étalon brun de douze ans qui s’appelle Floquet – mais la chevalité n’est qu’un bruit de la bouche ).

Eusèbe de Césarée, Onomasticon

Eusèbe de Césarée, Onomasticon, – introduction, traduction et notes de Pierre Maraval – Paris 2019, Éditions du Cerf, – ISBN : 978-22-04-13549-8 – 274 pages – € 22.– ou CHF 37.40.

Eusèbe, évêque de Césarée est bien connu comme Père de l’Église et auteur d’une Histoire ecclésiastique qui est un document important pour connaître les trois premiers siècles du Christianisme. L’« Onomasticon », a été écrit avant 325 de notre ère, à la demande de Paulin, évêque de Tyr.

Comme l’indique son titre original : « Sur les noms de lieux dans la divine Écriture », il s’agit d’une nomenclature de 985 lieux bibliques mentionnés dans la Bible et de ce qu’on en savait au IV e siècle de notre ère. Ce livre pourrait être comparé à un embryon de dictionnaire biblique ou à un guide touristique. Eusèbe tire ses renseignements de la Bible, des témoignages d’écrivains antiques, comme Josèphe ou Origène, et parfois de ce qu’il a pu voir lui-même en visitant le pays.

Dans l’antiquité, cet ouvrage a été utilisé par les pèlerins visitant la Terre sainte. Il a été traduit en latin par Jérôme, à la fin du IV e siècle, qui l’a parfois corrigé ou complété.

La traduction de Pierre Maraval donne le texte d’Eusèbe, imprimé en caractères droits, mais aussi celui de Jérôme, quand il diffère de celui d’Eusèbe – imprimé en italiques pour le distinguer.

Les noms de lieux ont été classés par Eusèbe selon l’ordre alphabétique grec. Mais Maraval, a fait précéder chaque entrée du numéro donné dans l’édition de référence de Timm. Un index, à la fin de l’ouvrage permet de retrouver facilement un nom.

Une abondante annotation complète les informations et renvoie à des ouvrages de référence, comme des auteurs antiques ou la Géographie de la Palestine, de Félix-Marie Abel, par exemple.

L’ Onomasticon d’Eusèbe donne un état des lieux de la géographie biblique au début du IV e siècle. On peut le considérer comme un précurseur de nos dictionnaires bibliques actuels. Et pour certains endroits, comme Ainon, cité en Jn 3.22, il fournit un témoignage ancien, précieux pour attester de leur existence et nous renseigner sur ce que les contemporains d’Eusèbe savaient ou disaient du lieu en question.

Alain Décoppet