Thérèse Glardon, Cet amour qui nous grandit

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Thérèse Glardon, Cet amour qui nous grandit – Dialogues avec le Bien-Aimé dans le Cantique des cantiques, Coll. « Petite Bibliothèque de Spiritualité » Genève 2020. Éd. Labor et Fides – ISBN : 978-2-8309-1722-2 – 256 pages – CHF 23,– ou € 18,00.

Thèrèse Glardon, bien connue des lecteurs de Hokhma, a été professeur d’hébreu biblique à la Faculté de Théologie de Lausanne ; elle a écrit notamment « Ces crises qui nous font naître » et « Ces Psaumes qui nous font vivre ». Elle anime encore des sessions d’hébreu dans le cadre de l’Atelier Romande des Langues bibliques ».

Relevons tout de suite qu’il s’agit d’un commentaire de type spirituel et non d’un commentaire exégétique : il a été publié dans la collection de la « Petite Bibliothèque de Spiritualité » et non dans celle des « Commentaires de l’Ancien Testament ». Cela n’empêche pas la professeure émérite d’hébreu de donner ici et là des explications éclairantes sur le texte original : par exemple, sur l’âme (nefesh) (p. 55), la racine connaître, yad‘a (p. 63), la traduction difficile de 6,12 (p. 192), la mandragore (p. 211), etc. On sent, derrière son commentaire une bonne connaissance de la littérature spécialisée sur le sujet, mais elle fait aussi appel à des auteurs très variés des traditions juive et chrétienne : elle cite souvent les mystiques chrétiens, comme sainte Thérèse d’Avila ou saint Jean de la Croix, Maître Eckart, mais aussi, à l’occasion, des Pères de l’Église comme Maxime le Confesseur, Grégoire de Nysse, Grégoire de Naziance, Augustin ; elle fait appel à la tradition juive qui situe la lecture du Cantique à l’occasion de la fête de Pâque, au hassidisme avec Rabbi Nahman de Braslaw, sans oublier les théologiens et spirituels modernes comme, par exemple, Vladimir Lossky. Le tout est harmonieusement mis au service de son exposition du texte.

Thérèse Glardon propose d’abord une traduction suivie, presque complète, du Cantique des cantiques, qu’elle reprendra ensuite par petites sections dans le commentaire. Elle suit le découpage en dix chants proposés par R. Tournay et adopté par la Bible de Jérusalem (éd. de 1998).

Son commentaire existentiel est à la fois spirituel et psychologique ; il ne tente pas de créer un scénario dramatique comme celui imaginé par Frédéric Godet qui voyait la bien-aimée enlevée par Salomon à son berger chéri. Il s’agit d’une bien-aimée qui tente de rejoindre son amoureux, avec de des épisodes où ils se cherchent, se trouvent, se dérobent et se retrouvent. C’est l’illustration de la relation de l’âme avec son Dieu, mais sans aucune mièvrerie ni aucun dolorisme. Le couple n’est pas une image évaporée, mais des humains bien réels où la femme peut être à l’occasion très virile et prendre l’initiative ; c’est ce couple bien réel où chacun doit être lui-même pour rencontrer et aimer l’autre, qui est image de la relation entre l’humain et le divin.

Ce qui m’a touché dans ce livre, c’est, à travers ce jeu de recherche et de dérobade, la découverte de l’autre comme unique, de la même manière que le Petit Prince de Saint-Exupéry trouve sa rose unique parmi les milliers de roses du jardin. Dieu qui veut conquérir chacun de nous par son amour, nous unifie en nous regardant comme seul et unique – c’est le regard d’amour du bien-aimé qui voit son aimée comme unique, rayonnante et forte – ce qui, en un certain sens, nous isole en nous rendant unique. Cependant « cette solitude n’est donc pas repli sur soi, mais ouverture et disponibilité pour une communion sans limite avec le Dieu infini » (p. 182) ; je suis appelé à « devenir un devant l’Un pour l’Un. ». « Profondément unifié en moi-même, je rejoins non seulement l’autre et l’Autre, mais aussi toutes les créatures… » (p. 183).

Ce livre contient beaucoup d’autres richesses qu’il ne vous reste plus qu’à découvrir !

Alain Décoppet

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