Matthieu Arnold, professeur d’histoire de l’Église à la Faculté Protestante de l’Université de Strasbourg est un spécialiste de la Réforme et du christianisme contemporain ; il a publié des ouvrages sur Martin Luther (dont il dirige la publication des œuvres à la bibliothèque de la Pléïade), Calvin, mais aussi, sur Albert Schweitzer, Dietrich Bonhoeffer et Oscar Cullmann.
L’ouvrage recensé ici a le mérite de présenter aux jeunes qui ne le connaissent pas, un théologien du XX e siècle qui m’a personnellement beaucoup marqué et que j’ai été heureux de mieux connaître par ce moyen.
Chapitre 1 : biographie : Oscar Cullmann (1902-1999) grandit à Strasbourg, y fit ses études de théologie et y enseigna comme maître de conférence. En 1938, répondant à un appel de l’Université de Bâle, il fut nommé professeur de Nouveau Testament et d’histoire de l’Église ancienne. Il occupera ce poste jusqu’à sa retraite, en 1972. Sa thèse de doctorat sur Christ et le temps (1945) lui valut une renommée internationale, suivie de nombreuses invitations à donner des cours dans diverses universités : Strasbourg, Paris (École Pratique des Hautes Études – 1948), Rome, etc.
Chapitre 2 : l’interprète du Nouveau Testament : Cullman, bien que marqué par le libéralisme et pratiquant la méthode historico-critique, n’en fut pas moins, durant les années 1940-1960, une alternative à la pensée de Bultmann pour qui la Bible parle un langage mythique qu’il faut démythologiser ; le Jésus de l’histoire et le Christ de la foi étant inextricablement mêlés, on peut dire que Jésus ressuscite chaque fois qu’on le voit intervenir dans notre vie. Pour Cullmann, au contraire, la foi doit se relier à un fait de l’histoire, au centre de laquelle se trouve la mort et la résurrection de Jésus. Cet événement fondamental partage l’histoire du salut en deux et marque la défaite des forces du mal. Cette défaite ne sera totalement manifestée que lors du retour de Jésus, mais en attendant, nous vivons dans l’espérance, entre le déjà de la victoire assurée et le pas encore de sa totale manifestation.
Chapitre 3 : le Nouveau Testament et la vie chrétienne. À côté de ses publications scientifiques universitaires, Cullmann a eu à cœur d’écrire plusieurs ouvrages destinés à un plus large public – il considérait que cela relevait de son rôle de docteur – afin de répondre à des questions de circonstances, par exemple sur le baptême des enfants ou la question de l’immortalité de l’âme ou encore la prière. Ce thème lui tenait à cœur (( À ce sujet, il avait bien voulu rédiger un article paru dans Hokhma No 20, 1982 : La prière dans les épîtres pauliniennes . )) et fut l’objet de son dernier livre : La prière dans le Nouveau Testament, Éd. du Cerf, 1995. Sa thèse est que dans ce temps intermédiaire entre la victoire de Pâques et le retour de Jésus, la prière nous fait participer à la lutte de Dieu contre le diable.
Chapitre 4 : Le chrétien dans le monde : Cullmann restera pondéré, solidement ancré au message biblique et fidèle à l’exemple de Jésus qui a su être critique à l’égard des autorités de son temps, sans céder aux violences révolutionnaires de Zélotes (son livre Dieu et César ). Pendant la période nazie, il soutiendra ses collègues théologiens qui s’opposeront à Hitler.
Chapitre 5 : L’unité des chrétiens : d’un esprit conciliant, admirateur de Bucer, Cullmann marqua très tôt un souci pour l’unité des chrétiens. Ses cours à Rome lui permirent d’entrer en contact avec l’Église catholique romaine où ses livres sur Christ et le temps et sur Saint-Pierre lui attirèrent de la sympathie. Ami de Paul VI, il fut hôte lors du Concile Vatican II. Sa vision de l’œcuménisme ne va pas vers une fusion des Églises : l’unité se fera par la diversité : chaque Église a un charisme à faire valoir en le partageant avec ses sœurs qui l’aideront à le purifier – le péché serait d’en tirer orgueil et de le garder pour soi. Ce processus doit se faire sous la conduite du Saint-Esprit, en étant centré sur le Christ.
La conclusion présente un Oscar Cullmann centré sur le Christ et la Bible qu’il refusait qu’on utilise comme prétexte pour suivre une mode théologique ; il a en toutes choses essayé d’appliquer la maxime d’Ép 4,15 : professer la vérité dans l’amour . Il disait : Il faut tout pardonner , mais pas tout justifier théologiquement.
Le livre de Matthieu Arnold constitue une excellente introduction à l’œuvre de ce que grand exégète du nouveau Testament que fut Oscar Cullmann. Espérons qu’il donnera envie de le lire, à ceux qui ne le connaissent pas.
Alain Décoppet
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