Eliette Randrianaivo, Cours d’hébreu biblique, Cumbria, Langham, 2015, 210 p., ISBN 978-1783688791, 16 €.
Voici une toute nouvelle méthode d’hébreu biblique proposée par une ancienne étudiante de la Faculté Libre de Théologie Évangélique de Vaux-sur-Seine (FLTE). Titulaire d’une maîtrise en théologie, elle codirige actuellement l’Institut Supérieur de Théologie Évangélique (ISTE) à Antananarivo, Madagascar, avec son mari. L’auteure signale dans la préface à son ouvrage qu’elle n’est pas « une spécialiste de la langue hébraïque » et que l’ouvrage qu’elle propose est la collection de l’enseignement qu’elle a reçu d’Henri Blocher durant sa scolarité à la FLTE. Eliette Randrianaivo a elle-même remanié le contenu de ces cours en arrivant à Madagascar pour les dispenser à son tour à ses étudiants. Cet ouvrage est principalement destiné aux étudiants en théologie d’Afrique francophone.
« Ce cours d’hébreu biblique, composé de 47 leçons, a été conçu pour que les étudiants de 1ère année aient une bonne base en grammaire. En 2e année, ils vont s’initier à la syntaxe et commencer à lire les textes bibliques de la Biblia Hebraica Stuttgartensia (BHS), pris dans divers genres littéraires. » Le but fixé est qu’à la fin d’une année académique les étudiants aient les bases nécessaires pour entrer sereinement dans la traduction des textes de la Bible hébraïque.
La progression dans l’étude de la grammaire de l’outil est classique : les chapitres d’introduction sont suivis des principes phonologiques élémentaires (leçons 3, 4 et 5) puis de la formation des noms (leçons 8 et 9), des pronoms (leçon 10), etc. Vient ensuite l’apprentissage de la conjugaison du verbe qal à l’accompli (leçon 14), puis de la déclinaison des suffixes personnels (leçons 15 et 16) et l’on revient au verbe avec l’apprentissage de l’inaccompli (leçon 18). Les verbes irréguliers et faibles (leçons 34 à 47) sont abordés après avoir parcouru les sept paradigmes. Ainsi, la méthodologie qui consiste à apprendre les verbes faibles après l’ensemble des verbes forts à tous les paradigmes s’apparente à celle que J. Weingreen employait il y a quelques années. T. O. Lambdin, ou plus récemment encore I. Lieutaud, choisissent, quant à eux, d’aborder les verbes faibles au fur et à mesure de l’apprentissage des paradigmes, ce qui nous semble être la meilleure option sur le plan pédagogique.
Le contenu des leçons à proprement parler est assez satisfaisant. Malgré quelques maladresses qui pourront facilement être corrigées dans une éventuelle seconde édition, nous n’avons relevé aucune erreur majeure. Ainsi, nous avons particulièrement apprécié la leçon 1 sur l’alphabet et son tableau sur les modèles d’écritures de l’alphabet (p. 6) où la calligraphie est très clairement expliquée. Les sept règles autour des gutturales de la leçon 6 sont bien rédigées et très utiles pour un hébraïsant tout au long de son apprentissage. De manière générale, les leçons sont assez brèves, illustrées de nombreux tableaux. Elles vont à l’essentiel et se débarrassent de bien des fioritures grammaticales dont un étudiant de première année peut – et doit ! – se passer. En effet, d’autres manuels d’introduction à la langue contiennent certains paragraphes dont la technicité est comparable à celle de la grammaire d’hébreu biblique de P. Joüon. Il faut donc saluer le bel effort pédagogique de ce manuel.
Sur la forme, chaque leçon ou presque est accompagnée d’un encadré contenant un exercice et de quelques mots de vocabulaire. Ici, à l’inverse du manuel d’I. Lieutaud, les exercices sont conçus pour être réalisés sur un cahier à part, ce qui n’est peut-être pas le plus pratique. Généralement, ces derniers sont courts, parfois un peu trop ; l’ajout d’un ou deux exercices supplémentaires pour les leçons les plus difficiles permettrait d’aider l’étudiant à davantage fixer la théorie. Ainsi, on pourrait facilement imaginer qu’un corrigé d’une partie de ces exercices prenne place à côté du lexique hébreu-français à la fin de l’ouvrage.
Comme souvent, ce qui fait la force de l’ouvrage en fait aussi la faiblesse. Par exemple, l’introduction à l’hébreu biblique du premier chapitre est très sommaire et mériterait que l’on s’y attarde un peu plus. Par ailleurs, ne faudrait-il pas translittérer l’hébreu en caractères latins pour les deux ou trois premières leçons afin de rassurer l’étudiant qui se lance dans une langue très différente de celles qu’il a connues jusqu’à présent ? De même, certains tableaux mériteraient quelques indications supplémentaires pour rejoindre pleinement un non-initié.
On pourrait s’interroger sur la méthodologie qui consiste à apprendre les bases grammaticales de l’hébreu biblique la première année pour n’entrer dans les textes que l’année suivante. Selon nous, plusieurs points de grammaire peuvent être abordés tout en traduisant le texte biblique sans passer par un apprentissage systématique préalable. On peut aussi faire le choix de ventiler la grammaire sur deux années pour assurer des bases saines tout en motivant les étudiants les plus récalcitrants face à la grammaire hébraïque. De plus, le recours à la traduction de textes bibliques simples et connus dès le début de l’apprentissage permet de développer certains réflexes avec la langue et notamment avec la syntaxe. Pour certains, l’apprentissage exclusif de la grammaire sur une année pourrait se révéler un peu « sec », alors que la traduction assistée de textes bibliques leur permettrait d’assimiler plus rapidement les notions et leur procurerait une vraie joie de traduire le texte même de l’Ancien Testament. Enfin, nos méthodes françaises d’hébreu biblique, et plus généralement de langues mortes, gagneraient à s’inspirer, au moins en partie, des techniques d’apprentissage appliquées aux langues vivantes. C’est ainsi qu’on apprend l’hébreu moderne en Israël, sous le mode de l’oulpan (centre d’apprentissage intensif). Depuis peu, grâce à la méthode Polis, ces techniques, comme celle de la réaction physique immédiate (Total Physical Response, fondée sur une approche multi-sensorielle et gestuelle), sont appliquées à l’hébreu biblique, au grec koinè ou encore à l’arabe littéraire.
En bref, nous avons là une méthode de bonne facture qui réussit le pari de ne pas surcharger l’étudiant d’informations inutiles. On rejoint Bernard Huck quand il écrit dans la préface que « le cours d’hébreu biblique de Madame Eliette Randrianaivo n’innove pas considérablement, mais se repose sur des valeurs sûres et qui ont fait leurs preuves sur des générations d’étudiants ».
Antony Perrot
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