Enzo Bianchi, La violence et Dieu – pourquoi tant de cruauté dans la Bible ? Traduit de l’italien par Matthias Wirz. Collection « Parole en liberté », Éditions Cabédita, Bière 2015 – ISBN : 978-2-88295-721-4 – 96 pages, 16 € / 25 CHF.
Fondateur de la Communauté Œcuménique de Bose, en Italie, Enzo Bianchi est bien connu pour ses nombreux ouvrages de spiritualité, très marqués par la Bible. Avec La violence et Dieu, il signe un livre très stimulant qui vise à réhabiliter les Psaumes imprécatoires, où le psalmiste demande le châtiment de ses ennemis. Sont-ils conciliables avec l’Esprit de Jésus, avec le Nouveau Testament ? Beaucoup de chrétiens sont gênés de les lire et encore plus de les prier. C’est ainsi que dans la réforme liturgique entreprise dans la foulée de Vatican II, certains passages imprécatoires des Psaumes ont été supprimés des offices, sur décision expresse du Pape Paul VI.
Enzo Bianchi s’insurge contre cette manière de voir : renoncer aux Psaumes imprécatoires, c’est renoncer à tout dire devant Dieu, c’est s’autocensurer devant lui, c’est se croire meilleur que Dieu qui a inspiré ces pages. Ces Psaumes sont les cris de gens qui souffrent : les mettre de côté, c’est donc dénier la souffrance des victimes et se mettre du côté de leurs bourreaux. C’est, en fait, nier la réalité du mal et du péché. Le refus de ces Psaumes va souvent de pair avec une minimisation du mal et du péché. Le Nouveau Testament va dans le sens de ces Psaumes avec les malédictions de Jésus contre Chorazin et Bethsaïda (Mt 11,21) ; voir aussi 1 Co 5, Phil 3,2, etc.
Les Psaumes imprécatoires demandent à Dieu d’intervenir dans l’histoire pour mettre fin au mal. Mais Enzo Bianchi fait remarquer qu’ils sont une expression de foi, car leur auteur ne se venge pas lui-même, il attend patiemment, dans la foi, l’intervention de Dieu pour faire justice.
Enfin le prieur de Bose rappelle que ces Psaumes imprécatoires, Jésus les a accomplis en subissant sur la croix la malédiction que le psalmiste demandait pour ses ennemis. Il a été humilié, retranché des hommes. En les priant aujourd’hui, nous ne luttons pas seulement contre le mal qui nous est extérieur, mais aussi contre notre mal intérieur.
Bien sûr, il ne faut pas faire une lecture littéraliste de ces prières, mais tenir compte de leur caractère sémite, marqué par le côté concret de ce qui n’est qu’image (l’hébreu pratique peu l’abstraction).
Enzo Bianchi résume sa pensée à la p. 72 par une bonne définition de ces Psaumes imprécatoires et conclut par quelques pistes pour les lire et les méditer. Un tableau (pp. 86-88) en permet une lecture christologique, avec en vis-à-vis la référence du Psaume imprécatoire et son accomplissement par le Christ dans le Nouveau Testament.
Un livre viril, loin de « l’ecclésiastiquement correct » mièvre qu’on rencontre trop souvent aujourd’hui. Un livre qui m’a fait du bien.
Alain Décoppet
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