Michaël Girardin, Au temps de Jésus : Hommes, histoire, société – Charols, Excelsis, 2022 – ISBN : 978-2-7550-0489-2 – 555 p. – 25 € ou CHF 34.00
Dans l’ouvrage Au temps de Jésus, Michaël Girardin met à disposition du grand public une véritable somme sur le contexte politique et religieux de la Judée à l’époque de Jésus et des apôtres. Malgré son jeune âge, l’auteur, docteur et maître de conférences en histoire ancienne, a déjà un nombre impressionnant de publications scientifiques à son actif. Ses recherches académiques portent principalement sur les questions de fiscalité dans le judaïsme ancien, mais aussi sur des problématiques en rapport à l’autorité politique et religieuse.
Dans ce livre, publié par l’éditeur évangélique Excelsis, Michaël Girardin fait état de toute son érudition sur le monde de Jésus, dans un style et un format qui rendent la lecture accessible à un large public de lecteurs de la Bible. Le livre est agréable à lire de façon suivie, mais il peut aussi être consulté à la manière d’un dictionnaire encyclopédique. En effet, la majeure partie de l’ouvrage est organisée en 273 notices numérotées, toutes répertoriées dans la table des matières finale.
Les 555 pages du livre sont divisées en sept chapitres. Le premier est consacré à une présentation détaillée des sources historiques servant de base à la suite de l’étude (p. 19-90). S’en suit un survol de l’histoire de la Judée, des Maccabées jusqu’à Bar Kokhba (p. 91-110) ; un chapitre important mais un peu court pour un ouvrage de cette ampleur. Les chapitres 3 et 4 se composent de notices biographiques sur des figures politiques : les empereurs romains depuis Auguste jusqu’à Hadrien (p. 111-140) ; quelques gouverneurs de Syrie (p. 140-149) dont le fameux Quirinius ; les rois de la dynastie d’Hérode (p. 154-178) ; les gouverneurs romains de Judée (p. 179-200), avec une belle place donnée à Pilate (p. 180-188) ; les grands prêtres juifs (p. 201-213) ; et enfin quelques chefs rebelles évoqués par le Nouveau Testament comme Judas le Galiléen, Jésus bar Abbas, Theudas ou l’Égyptien (p. 213-218).
Les trois derniers chapitres sont les plus développés du livre : ils contiennent aussi les réflexions les plus stimulantes. Le chapitre 5 propose diverses études de cas autour des « structures de gouvernement » (p. 221-349). La section sur « les prérogatives des gouverneurs de Judée » (p. 233-299) donne notamment lieu à une étude historique sur le procès de Jésus, puis sur celui de Paul devant Félix et Festus. En rapport au rôle des gouverneurs dans le « maintien de l’ordre », on apprend, par exemple, que les soldats de la passion – tout comme le « centurion » de Capernaüm (voir Mt 8.5-8) – n’étaient probablement « ni des Romains, ni des Juifs, mais ce que l’on nomme des “Syriens”, au sens large du mot dans l’Antiquité : des populations non-juives du Proche-Orient romain » (p. 256). Évoquant le prélèvement de l’impôt, l’auteur cherche à « dédouaner » les collecteurs d’impôt, dénonçant les idées reçues concernant leur prétendue malhonnêteté (p. 281-289). Ils ne sont pas non plus des « collabos » puisqu’ils ne travaillent pas pour Rome, mais pour les notables locaux et qu’ils peuvent même parfois percevoir l’impôt du Temple.
Le chapitre 6 est consacré à une présentation des différents courants du judaïsme ancien (p. 351-457). À la suite de plusieurs historiens contemporains, l’auteur indique que les pharisiens avaient globalement une application plus souple de la Loi que les sadducéens et les esséniens (p. 413-418). Jésus ne dénoncerait que les excès de certains pharisiens en matière d’interprétation de la Loi. Ce n’est pourtant pas ce que les Actes des apôtres laissent entendre lorsque Paul présente les pharisiens comme « le parti le plus strict de notre religion » (Ac 26.5).
Le dernier chapitre porte sur « le Temple et le culte » à Jérusalem (p. 459-528). Une section sur la « fiscalité du culte » (p. 498-517) permet d’entrevoir la grande compétence de l’auteur sur cette question. Il montre que les impôts que les Juifs versaient au Temple étaient conséquents – souvent plus de 25 % des revenus – et qu’ils dépassaient généralement l’impôt destiné aux autorités romaines.
L’ouvrage s’achève sur une brève sélection bibliographique (p. 531-533) – beaucoup trop brève pour un ouvrage de cette qualité. On trouve également un index des textes du Nouveau Testament.
Malgré les immenses qualités du livre, on peut regretter qu’il se focalise uniquement sur les structures politiques et religieuses et qu’il ne dise presque rien de la vie courante des « simples » Juifs du premier siècle. Pour le lecteur qui voudrait vérifier les affirmations de Michaël Girardin, l’absence de notes de bas de pages est également regrettable : l’auteur se réfère fréquemment à des écrits anciens, comme ceux de Flavius Josèphe, mais indique rarement la référence précise ; il présente et discute les hypothèses des spécialistes contemporains sans indiquer leur nom, ni de référence bibliographique. Il s’agit probablement d’un choix éditorial en direction du grand public, mais un choix frustrant pour les lecteurs initiés aux méthodes académiques.
Cela dit, l’ouvrage de Michaël Girardin devrait rapidement s’imposer comme une référence sur le contexte politique et religieux de la Judée à l’époque du Nouveau Testament. Écrite dans un langage et un style abordables, cette somme d’érudition intéressera tous ceux qui souhaitent mieux comprendre les réalités du monde de Jésus et des apôtres.
Timothée Minard
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