La Bible – Nouvelle Français Courant (NFC)

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Pour ce numéro bien fourni avec les actes de l’AFETE, nous avons fait le choix de ne pas inclure des recensions nombreuses et variées ; celles-ci étant pour la plupart reportée à notre prochain numéro. Nous avons cependant inclus la recension de la Bible Nouvelle Français courant, au vu de l’importance de la sortie d’une nouvelle traduction, et du thème fort biblique du présent numéro.

La Bible – Nouvelle Français Courant (NFC) –Éditions Bibli’O, Paris 2019 – ISBN : 9782853007337 – 1650 p. (sans deutérocanoniques) – € 18.90 ou CHF 26.30. – cette bible existe en divers formats avec couverture rigide ou de luxe, avec ou sans les livres deutérocanoniques – et bien entendu les prix varient.

Après le Nouveau Testament Bonnes Nouvelles Aujourd’hui , en 1971, paraissait, en 1982, la Bible entière en Français courant . Cette traduction d’un nouveau genre devait répondre aux besoins des personnes pour qui les traductions bibliques traditionnelles étaient trop difficiles à comprendre. En effet, les traducteurs ne tentaient plus de décalquer les textes originaux, grecs ou hébreux, pour les rendre en français, ce qui donnait parfois des phrases longues et difficiles à comprendre, mêlées de « patois de canaan » 1 . À la place, ils essayaient de trouver la formulation susceptible de rendre, le plus naturellement possible en français, le sens exact du texte biblique. On parle d’équivalence dynamique ou fonctionnelle, par opposition à l’équivalence formelle des Bibles traditionnelles. Cette traduction connut un immense succès. Elle fut révisée en 1997 et vient d’être revue en 2019. En effet, en une génération, le français évolue, la recherche biblique avance, des découvertes archéologiques ou linguistiques jettent des éclairages nouveaux sur les textes bibliques et permettent ainsi d’améliorer la manière de les traduire.

Trois ans d’efforts ont été nécessaires à une soixantaine de biblistes catholiques, réformés et évangéliques pour effectuer ce travail. Une comparaison rapide avec les éditions précédentes permet de se rendre compte qu’il ne s’agit pas d’une révision superficielle, où l’on se serait contenté de changer un mot ou une expression ici et là ; mais on a l’impression que tout a été revu minutieusement. Signalons que les introductions aux livres bibliques ont été revues et augmentées – elles sont maintenant deux ou trois fois plus longues. Elles sont divisées en deux têtes de chapitres : « L’essentiel », qui présente l’ensemble du livre, et « Pour aller plus loin » qui donne quelques pistes d’actualisation et des données sur les circonstances de la composition du livre. Les auteurs de ces introductions tiennent souvent pour acquis les résultats de la critique biblique concernant la date de rédaction des livres de la Bible. Ces allégations, quoique proposées avec prudence, pourront susciter la perplexité chez certains lecteurs de sensibilité évangélique.

Disons tout d’abord que, dans l’ensemble, le travail est bien fait et qu’on a à faire à une bonne mise à jour : on a recouru à un langage épicène ou incluant le genre féminin, pour aller dans le sens du politiquement correct en usage aujourd’hui, sans renoncer toutefois à une stricte fidélité au sens du texte biblique. On a mis à jour le vocabulaire : par exemple, la crèche de Lc 2,7 est devenue une mangeoire , pour qu’on n’imagine pas que Jésus avait été placé dans un « jardin d’enfants » ou une « garderie » ! D’une manière générale, j’ai l’impression qu’on est encore monté d’un cran dans le niveau du français, comme cela avait déjà été le cas en 1997. Par exemple, le «  ll est revenu de la mort à la vie » de Mc 16,6 est devenu : «  Il est ressuscité ». On n’y trouve plus guère ces explicitations du texte qu’on pensait nécessaires dans Bonnes Nouvelles Aujourd’hui  , comme « dans la rivière du Jourdain » (Mc 1,5) – NFC 2019 a « dans le Jourdain » – ou au v. 14 : « il y proclamait la bonne nouvelle de Dieu », remplace « … proclama la Bonne Nouvelle venant de Dieu » de BNA 1973. La publication de Parole de Vie , la Bible en français fondamental, destinée au public ayant une connaissance limitée du français, a rendu possible cette élévation de niveau du langage.

Mais n’est-on pas allé un peu trop loin ? Par exemple le choix, dû semble-t-il à la demande de certaines Églises partenaires du projet, de revenir à l’usage de certains termes liturgiques, me paraît plus discutable et éloigner la NFC de son but initial. Par exemple, était-il judicieux de revenir au verbe bénir pour dire remercier le Seigneur, comme au Ps 103,1 ? Le Grand Robert illustre ce sens de bénir essentiellement par des exemples du français classique (Racine, De Sacy, etc) – aucun du XX e siècle ! D’ailleurs, les critères utilisés pour choisir les termes à rendre de manière traditionnelle ou en équivalence dynamique ne me paraissent pas clairs : pourquoi a-t-on remplacé « revenir à la vie » par « ressusciter » et gardé « bonne nouvelle » au lieu de reprendre le mot « Évangile », à mon sens du même niveau de difficulté que « bénir » ?

Une déception : en ouvrant ce volume, j’ai constaté avec regret, l’abandon, pour les livres le l’AT, de l’ordre du canon juif, adopté pour les éditions protestantes de la BFC de1982 et 1997, à la demande des Églises réformées de la Suisse romande. Pour l’édition interconfessionnelle, les livres deutérocanoniques étaient placés entre l’AT et le NT, conformément aux « Directives concernant la coopération interconfessionnelle dans la traduction de la Bible », signées en 1968 et revues en 1987, entre l’Alliance Biblique Universelle et le Secrétariat du Saint-Siège pour l’Unité des Chrétiens (voir § 1.1.2 sur le Canon). Là, ils sont placés dans l’ordre adopté par les Bibles catholiques classiques. C’est à mon sens une régression malheureuse, tant pour l’œcuménisme que pour le dialogue judéo-chrétien, sans parler du dommage herméneutique pour l’Ancien Testament : faire une section : « Livres historiques », pour Josué, Juges, etc. va amener le lecteur lambda à les lire comme des ouvrages historiques, alors que le canon juif les présente comme des livres prophétiques !

On pourrait ergoter sur certaines modifications de la traduction qui ne m’ont pas parues forcément meilleures que les versions antérieures. Mais ces critiques seraient souvent entachées de subjectivisme ; par exemple n’aurait-on pas été plus dynamique , en traduisant dans 1 S 17,26,36, « ce païen de Philistin » au lieu de « ce Philistin païen » ?

Il y a cependant une traduction qui m’a beaucoup étonné ; celle de Mt 5,6, dans le sermon sur la montagne. Alors que les éditions précedentes avaient : « Heureux ceux qui ont faim et soif de vivre comme Dieu le demande » (ce qui correspond bien au sens matthéen de justice ), la NFC 2019 a : « Heureux ceux qui ont faim et soif d’un monde juste » ! Pourquoi une telle traduction qui oriente immanquablement le lecteur vers une compréhension horizontale de la justice , ce qu’elle n’est précisément pas dans ce contexte 2  ? Pourtant, les auteurs sont conscients que pour Matthieu le terme « justice » a bien le sens d’être « en accord avec ce que Dieu demande », comme en témoigne la note correspondante, avec renvoi à Mt 3,15 et la citation de la BFC 1997 comme traduction alternative ? Pour une discussion détaillée sur la traduction de justice , je renvoie à Jean-Claude Margot 3 , dans Traduire sans trahir, (Éd. L’Âge d’homme, Lausanne 1979, pp. 257s).

Traduire est un art très difficile. La Bible en français courant repose sur une théorie de la traduction bien élaborée. Gageons qu’avec cette révision, la NFC poursuivra son œuvre de rendre la Parole de Dieu accessible à chacun, particulièrement à ceux qui s’initient à sa lecture.

Alain Décoppet

  1. On n’y trouve plus de termes comme péager, hémorroïsse ou des phrases telles que : « Ceignez les reins de votre entendement » (1P 1,13) ou « Revêtez-vous d’entrailles de miséricorde » (Col 3,12).
  2. Cf. Note de la TOB 2010 sur Mt 5.6 et Pierre Bonnard, Évangile selon saint Matthieu , Neuchâtel 1970, Delachaux & Niestlé, p. 57.
  3. Jean-Claude Margot, conseiller en traduction de l’Alliance Biblique Universelle, a été la cheville ouvrière de « Bonne Nouvelle Aujourd’hui » et a collaboré à l’édition de la Bible en français courant.

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