Innocent Himbaza, Manuel de la Bible hébraïque – Biblia Hebraica Stuttgartensia (BHS) Biblia Hebraica Quinta (BHQ), Coll. « Le monde de la Bible » No 78 – Genève, Éd. Labor et Fides, 2023 – ISBN 978-2-8309-1812-0 — 378 pages — € 25,- ou CHF 30.-.
Innocent Himbaza est professeur d’Ancien Testament à l’Université de Fribourg (Suisse). Bibliste et spécialiste de la critique textuelle de l’AT, il a publié de nombreux ouvrages sur le texte de la Bible hébraïque et sa réception, mais aussi sur le mariage et l’homosexualité, sur Manassé, etc. Dans le cadre de la publication de la Biblia Hebraica Quinta, dont il est membre du comité d’édition, il a été chargé de préparer le fascicule du Lévitique (paru en 2020).
Comme la publication de la BHQ est loin d’être achevée (environ 40 % du texte est disponible), le lecteur de la Bible hébraïque doit encore recourir à la BHS ; il sera donc reconnaissant à Innocent Himbaza de mettre à sa disposition un manuel conçu pour le guider dans l’utilisation de chacune de ces éditions.
L’ouvrage (peut-on parler encore de « manuel » pour une somme aussi volumineuse et exhaustive ?) apporte une documentation complète et très détaillée sur :
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L’histoire de la recherche en matière de critique textuelle de l’AT
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L’histoire des manuscrits de la Bible hébraïque
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La conception de la BHS et de la BHQ.
Le tout complété de glossaires apparemment exhaustifs permettant de lire la massore et l’apparat critique de chacune de ces deux éditions de la Bible hébraïque – et une bibliographie.
Celui qui aura assimilé cet ouvrage aura toutes les cartes en main pour tirer un plein profit de toutes les ressources fournies par la Bible hébraïque qu’il utilise.
Chacun sait qu’on ne dispose pas du texte original de la Bible hébraïque, mais jusqu’où peut-on remonter pour s’en rapprocher ? La BHS et la BHQ nous offrent toutes deux le texte massorétique (TM) du codex de Léningrad, copié aux alentours de l’an 1000 de notre ère et qui apparaît, de par sa qualité et par le fait qu’il est quasiment complet, comme le témoin le plus fiable de la Bible hébraïque. Au moment de l’édition de la BHS, on pensait pouvoir accéder à un texte hébreu remontant au 3e siècle avant notre ère, en comparant le TM dont on avait constaté la fiabilité générale, avec d’autres manuscrits hébreux et les anciennes versions connues de l’AT (grecque, latine, syriaque, etc.). L’apparat critique de la BHS visait à donner les moyens de faire cette opération, parfois de manière conjecturale. La BHQ a une position plus pragmatique et, à mon avis, plus humble : l’histoire du texte de la Bible hébraïque peut aujourd’hui être reconstituée avec plus de précision, depuis la découverte des manuscrits de Qumrân et leur étude scientifique. On s’est ainsi rendu compte qu’avant l’ère chrétienne, le texte de la Bible hébraïque avait fait l’objet d’éditions différentes, comme c’est le cas pour l’Exode ou Jérémie (ce dernier ayant environ 3000 mots en moins dans la LXX que dans le TM, avec un agencement différent des chapitres (attesté par des manuscrits hébreux de Qumrân). Le TM, dans sa forme consonantique, a été fixé au premier siècle de notre ère, dans les milieux du Temple de Jérusalem. La manière dont on le prononçait (sa vocalisation) s’est transmise oralement et n’a été fixée par écrit (au moyen de points, les nequdot) qu’à partir du 5e siècle, pour arriver à une forme aboutie au haut moyen âge. Ce fut le travail des massorètes qui ont également annotés les marges de leurs manuscrits pour transmettre toutes sortes d’informations relatives au texte (la manière de la lire, le nombre de fois que tel mot ou telle expression se trouvait dans le TaNaK, etc) : c’est la Massorah (tradition). La BHQ se donne pour but de fournir les moyens de remonter au texte prémassorétique. À cet effet, on trouve sur chaque page, le texte du codex de Léningrad, un apparat critique plus complet que la BHS, remplaçant le latin par l’anglais et les lettres gothiques par des lettres ordinaires pour indiquer les manuscrits ; relevons qu’elle précise le nom du témoin cité (Codex d’Alep. tel manuscrit de Qumrân, Targum Neofiti, etc.) ; Les leçons proposées sont en principes fondées sur un texte existant (plus de conjectures) et, si nécessaire, de brèves explications donnent la raison du problème soulevé et indiquent si la solution proposée est discutée dans les milieux académiques. La petite et grande massore, ainsi que la massora finalis, celle se trouvant en fin de chaque livres biblique, sont également comprises dans l’édition, contrairement à la BHS qui fournissait la grande massore dans un volume séparé.
Le « Manuel » d’Innocent Himbaza m’a appris à respecter encore davantage le texte massorétique et à découvrir sa richesse que la BHQ met en valeur en l’accompagnant de sa massore rendue ainsi plus facilement accessible. Espérons que cette édition stimulera l’étude de la Bible hébraïque.
Alors, après avoir ainsi été appâtés par cette présentation alléchante, on est frustré d’apprendre que sur les 20 fascicules que va compter la BHQ, seuls 8 ont été publiés en une vingtaine d’années ! on nous annonce certes pour bientôt Ézéchiel et Job. Mais quand pourra-t-on avoir au complet cette nouvelle édition de la Bible hébraïque et à un prix accessibles à des étudiants en théologie ? En attendant, la BHS est appelée à rendre encore bien des service.
Alain Décoppet
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