Claude Vilain, À la découverte de la prière du cœur, Dossier Vivre No 41, Saint-Prex, Éditions Je Sème, 2017, 253 pages – ISBN 978-2-9700982-8-7 – 15.– € ou 17.90 CHF.
Claude Vilain est un pasteur belge bien connu dans les milieux évangéliques francophones. Il a été secrétaire général des GBU de son pays, puis responsable des émissions protestantes à la RTBF. Membre de la Fraternité des Veilleurs, il œuvre depuis quelques années à faire découvrir dans le monde protestant évangélique, des trésors de l’Église universelle jusque là trop largement méconnus dans ces milieux.
C’est dans cette optique qu’il a écrit ce livre sur la prière du cœur qu’il présente en même temps que la lectio divina. Mais avant d’aborder directement ces thèmes spécifiques, il fait, en bon pédagogue, une longue préparation pour aider le lecteur à bien situer la prière du cœur et la lectio divina dans le contexte plus large de la relation avec Dieu que chaque chrétien est appelé à entretenir. En effet, les cinq premiers chapitres sont consacrés à la prière d’une manière générale : celle-ci est trop souvent vécue comme l’énumération de besoins, sans entraîner une rencontre réelle et vivante avec Dieu ; et même si nous avons une réelle rencontre avec Dieu lors de nos moments de culte personnel, que se passe-t-il entre deux quand nous nous retrouvons pris par nos activités journalières ? Pourtant, Dieu qui nous aime, aimerait avoir avec chaque être humain, une relation intime et permanente qui soit réponse de l’homme à son amour. Jésus et les apôtres nous donnent l’exemple d’une telle intimité avec Dieu.
Il faut donc attendre le chapitre 6 pour aborder à proprement parler la prière du cœur ou la prière du nom de Jésus qui est la répétition de la prière : « Seigneur Jésus, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pauvre pécheur » ; elle nous permet, comme une respiration, d’être en communion constante avec Dieu. Cette prière qui remonte aux premiers siècles de l’Église, nous est parvenue par l’intermédiaire de l’Orthodoxie, notamment « Le pèlerin russe » et l’ouvrage qui lui sert de livre de chevet :« La philocalie ». Ce monde de l’orthodoxie est souvent étranger, voire suspect, à nombre de chrétiens protestants et évangéliques. Claude Vilain aborde franchement les questions qui peuvent leur faire problème : lui-même, au début de sa quête, a été gêné par exemple par la formule : « Aie pitié de moi, pauvre pécheur ». N’est-t-elle pas une négation du salut parfait acquis en Jésus ? En cheminant, il en est arrivé à la comprendre comme une expression de sa fragilité et de sa dépendance de la grâce de Dieu(p. 109). De même la répétition d’une même phrase ne devient-elle pas une sorte de mantra ? Il répond que la répétition d’une même formule est biblique (Ps. 136) ; et puis l’invocation répétée du nom de Jésus aide à se recentrer, humble et confiant, sur la présence de Dieu dans la vie de tous les jours, en plein milieu du stress quotidien, face à une tentation, une situation difficile… De toute manière, il ne s’agit pas de tomber dans une loi, ni sur la manière de pratiquer ni sur la formulation de la prière. Il s’agit de déterminer « La prière dont nous avons besoin » (p. 132). Il consacre notamment quelques pages à « La prière de la présence » typique de la spiritualité des carmes et rendue populaire par les écrits de Frère Laurent de la résurrection (cité à plusieurs reprises).
Au chapitre 8, il aborde la lectio divina, cette lecture priante de la Bible qui remonte aussi à l’antiquité chrétienne et dont le but est de nous placer en présence de Dieu : « L’Écriture ne nous parle pas de Dieu sans nous le faire rencontrer » (Frère Pierre-Yves Emery de Taizé – p. 141). Il en présente ensuite les quatre composantes : lecture, méditation, prière, contemplation, suivant la méthode élaborée par Guigues le chartreux au Moyen Âge et exposée au XXe s. par Enzo Bianchi dans son « Prier la Parole ».
Il poursuit par quelques conseils pratiques, notamment sur la nécessité de se ménager du temps et un espace tranquille pour prier. C’est un combat dans notre monde moderne ; et pourtant, c’est important, car la prière nous transforme, nous rend lucide et apte à être sel de la terre. Notre monde souffre d’un manque de vraie spiritualité. C’est la responsabilité de chaque chrétien d’être en communion priante avec le Seigneur pour témoigner qu’Il répond à cette soif qui se trouve dans le cœur de tout homme.
Des appendices pratiques permettent aux lecteurs d’« aller plus loin ».
Un petit regret : ce livre qui vise, me semble-t-il, un public protestant évangélique, aurait gagné à avoir un développement consacré à la prière en langues ou prière « en esprit » qui, à mon sens, a beaucoup de points communs avec la « prière du cœur ».
Notre souhait est que ce livre du pasteur Vilain serve à rendre accessibles les richesses de l’Église universelle aux chrétiens protestants évangéliques. Il est précieux de découvrir comment des frères et sœurs d’autres Églises, vivent aussi une relation de prière avec Dieu et de se laisser enrichir par eux.
Alain Décoppet
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