Enrico Cattaneo, Les ministères dans l’Église ancienne : Textes patristiques du Ierau IIIesiècle. Collection Théologies, Pris, Éditions du Cerf, 2017, 672 pages – ISBN : 978-2-204-11542-1, 50.– €.
La question de la continuité entre Jésus, les Apôtres et l’Église s’est posée à toute la tradition chrétienne, quand même elle a été diversement appréciée par catholiques et protestants. Elle n’a pas non plus conduit à une même vision de l’Église et du ministère, terme qui de nos jours semble connaitre une certaine inflation, au risque d’en affaiblir la signification. Soucieux de valoriser la seule autorité des Saintes Écritures, le monde évangélique a souvent limité sa recherche pour une meilleure compréhension des ministères dans l’Église à l’étude des écrits néotestamentaires.
Comment les chrétiens ont-ils, dès l’origine, compris la responsabilité pour autrui et le service de la communauté ? Si l’interrogation reste d’actualité, le champ d’investigation s’élargit ici à une sélection de textes jugés pertinents par l’auteur. Ceux pour qui ce questionnement s’est ouvert au monde de la patristique, la traduction en français de l’étude exhaustive du théologien italien Enrico Cattaneo est une véritable manne qui les aidera à jeter un regard nouveau sur les communautés chrétiennes primitives. Elle le fait grâce à une série de riches dossiers étudiant les documents les plus pertinents des trois premiers siècles qui nous viennent de la plume d’acteurs ou de témoins directs tels Ignace d’Antioche, Justin, Irénée, Origène ou encore Cyprien de Carthage, pour ne citer que les principaux.
L’ouvrage est divisé en cinq grandes parties précédées d’une ample introduction synthétique. Celle-ci traite de données lexicographiques en liaison avec différents rôles et fonctions dans l’Église (par ex., apôtres, prophètes, docteurs, évêques, presbytres, diacres), mais aussi de questions relatives aux notions d’apostolicité, de service ou ministère, d’ouverture à l’Esprit, d’ordre, de responsabilité, d’autorité et de subsidiarité, avec une attention particulière au rôle de la femme dans les premières communautés chrétiennes. Une première partie parcourant des écrits majeurs des Ier et IIe siècle est suivie d’une deuxième et d’une troisième partie qui se tournent respectivement vers les Églises d’Orient et les Églises d’Occident. Dans la quatrième partie, l’auteur examine les « Ordonnances ecclésiastiques » du IIIe siècle, avant de conclure avec une cinquième et dernière partie consacrée aux écrits pseudépigraphes et apocryphes.
Les trois premiers siècles de notre ère recouvrent un moment privilégié de l’origine et des premiers développements des ministères ecclésiaux dans une Église qui apprend à s’adapter à de nouvelles situations et à de nouveaux problèmes. Dans ce contexte, il est tout particulièrement intéressant de découvrir la réception patristique des données scripturaires et de la tradition apostolique.
Cattaneo souligne que parmi les perspectives théologiques qui sont aujourd’hui au cœur du débat moderne sur les ministères, on note une importance croissante accordée à la pneumatologie, à la compréhension du ministère comme service, mais aussi au thème plus complexe de la succession apostolique. La lecture des textes patristiques qui nous est proposée tient compte d’un nombre de changements d’orientation importants au sein de l’Église catholique depuis Vatican II : (1) l’abandon du schéma pyramidal de l’Église (avec des ecclésiastiques au sommet et une base laïque), au profit d’une vision globale de l’Église avant tout comme peuple de Dieu ; (2) la redécouverte de la dimension charismatique de l’Église et, par extension, de la reconnaissance d’un ministère charismatique ; (3) l’affirmation de la sacramentalité de l’épiscopat, plutôt qu’un simple pouvoir de juridiction.
Voici certainement une pièce essentielle à verser au dossier du débat contemporain sur les questions que soulèvent aussi la pluralité et l’articulation des différents ministères dans les Églises évangéliques.
Raymond Pfister
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