Collectif – Mission intégrale,Vivre, annoncer et manifester l’Évangile, pour que le monde croie, Excelcis, Charols 2017, 276 pages, ISBN 978-2-7550-0309-3, € 23,00 ou CHF 26,45.
Auteurs : Jean-Daniel André – Laura Casorio – Philippe Fournier – Martine Fritsch – Marcel Georgel – Daniel Hillion – Chantal d’Oliveira – Christian Quartier – Michel Varton – Laurent Waghon – Evert Van de Poll – Jonathan Ward – Roger Zürcher
Le présent ouvrage fait suite au forum organisé par différentes fédérations évangéliques (Fmef, Asah, Remeef) en février 2016, sur le thème « Être, Dire et Faire : les enjeux de la mission intégrale pour Églises et œuvres chrétiennes ». Sous la direction d’Evert Van de Poll, ce recueil de témoignages, de réflexions bibliques et d’outils d’analyse propose de s’interroger sur la définition de la mission dans sa dimension holistique. Associant aussi bien les églises, les ONG chrétiennes et les organismes de mission, l’ouvrage constitue un compte-rendu étoffé des interventions des divers participants lors du forum. Il nous invite ainsi à nous interroger sur le « lien intrinsèque entre vivre l’Évangile, annoncer l’Évangile, et manifester l’Évangile. Entre vivre, dire et faire ».
L’ouvrage s’intéresse dans une première partie à l’approche théorique de la mission intégrale qui consiste « à discerner, proclamer et vivre la vérité biblique selon laquelle l’Évangile est la bonne nouvelle de Dieu, annoncée par la croix et la résurrection de Jésus-Christ pour les personnes individuellement, et pour la société, et pour la création » (Confession de foi du Cap, p. 41). Rédigés principalement par Evert Van de Poll, les quatre premiers chapitres tentent de définir le concept de mission intégrale, d’en relever les particularités par rapport à l’histoire générale de la mission, et de souligner les dichotomies persistantes dans nos églises. Bien que nous puissions apprécier le regard critique porté sur la mission, notamment dans sa conception occidentale et son opposition entre l’évangélisation et l’œuvre sociale, nous regrettons la redondance des explications et le survol rapide de certains concepts.
Dans une deuxième partie, l’ouvrage aborde la question de la mission « au près », c’est-à-dire en occident. C’est l’occasion notamment de s’interroger sur la place et la forme de l’Église actuelle et des œuvres chrétiennes dans notre société. Afin de décloisonner les approches, la parole est donnée aux jeunes quant à leurs regards sur la mission et aux défis de l’Église dans le monde. Par l’exemple, de deux œuvres chrétiennes travaillant auprès des plus démunis et des prostituées, les articles nous invitent à nous interroger sur notre rapport au monde, soulignant l’importance de la relation fraternelle plus encore que de l’évangélisation classique. Cette vision nous amène alors à considérer l’autre dans son ensemble aussi bien dans ses besoins spirituels que matériels. Si nous ne percevons pas toujours la cohérence entre les articles choisis, ceux-ci ont néanmoins le mérite de nous interroger sur notre relation à ceux qui nous entourent et notre manière de transmettre le message de l’Évangile.
Dans une troisième partie, plus restreinte, l’ouvrage relate le contexte particulier de la mission intégrale dans les pays où les chrétiens sont persécutés. S’intéressant essentiellement à l’œuvre de Portes Ouvertes, association de soutien aux églises locales en contexte de persécution, les trois interventions mentionnées ont l’avantage d’apporter une réflexion critique sur le positionnement de l’organisation, sa transition d’une mission uniquement spirituelle vers une mission intégrale et d’offrir des outils d’analyse qui s’avèrent très utiles pour engager une réflexion plus large sur des thèmes sensibles comme le prosélytisme et l’éthique d’intervention.
Dans une quatrième partie, les contributions se veulent plus réflexives sur les pratiques des œuvres humanitaires et de développement au Sud. Celles-ci abordent notamment les bases de nos approches de l’aide au Sud (les relations de dépendances, une prise en compte holistique des bénéficiaires, nos liens avec les instances politiques, etc.), ainsi que la gestion du personnel, que ce soit des volontaires, des missionnaires ou des professionnels. Si cette dernière partie permet de saisir la complexité de l’intervention des ONG chrétiennes au Sud, il est dommage de constater que certains articles manquent de référence et de clarté notamment sur des questions aussi importantes que l’impact du développement sur le temps long, les relations de dépendance et d’interdépendance. Nous aurions souhaité une approche plus ciblée, conjuguant moins d’aspects, mais abordant ces questions centrales pour les œuvres humanitaires, avec une plus grande rigueur scientifique.
Si l’ouvrage a l’ambition de dresser un portrait complet des implications que peut avoir une approche intégrale de la mission, avec un choix d’angle original traitant de la problématique « au près » et « au loin », la qualité des interventions et leurs pertinences sont parfois inégales. Néanmoins, ce recueil constitue une base de réflexion intéressante et nécessaire, afin de développer une vision commune de la mission entre église et œuvre sociales chrétiennes.
Cynthia Guignard,responsable du secteur Coopération et Développementde la Mission Évangélique Braille, à Vevey (Suisse)
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