Jens Schröter, Les Évangiles apocryphes, Jésus en dehors de la Bible – Collection : Essais bibliques N° 59 – Genève, Labor et Fides 2022 – ISBN : 978-2-8309-1780-2 – 224 pages – CHF 23.–.
Jens Schröter est professeur de Nouveau Testament et de littérature chrétienne apocryphe à la Faculté de théologie de l’Université Humboldt de Berlin. Il est considéré comme l’un des meilleurs spécialistes actuels sur le Jésus historique. Son « Jésus de Nazareth » (Labor et Fides 2018) a déjà fait l’objet d’une recension dans Hokhma.
Dans la préface, l’auteur commence par préciser que les Évangiles apocryphes ne nous apprennent rien de sérieux sur le Jésus historique ; en revanche, ils nous renseignent sur la manière dont le message évangélique a été reçu par les premières générations chrétiennes.
Cet ouvrage constitue une introduction aux Évangiles apocryphes avec une présentation des principaux d’entre eux, du contexte historique de leur rédaction, de la manière dont ils nous sont parvenus et de leur contenu.
Après avoir mis les Évangiles apocryphes en perspective par rapport aux Évangiles canoniques (différences et ressemblances), Jens Schröter se lance dans leur présentation systématique en les classant par catégorie.
Il commence (chap. 2) par aborder les Évangiles de l’enfance qui ne s’intéressent pas à la transmission d’un savoir historique, mais à la signification de Jésus pour la piété populaire (p. 67), comme le « Protévangile de Jacques » et « L’Évangile de l’enfance selon Thomas » ou Païdika.
Il passe ensuite (chap. 3) aux Évangiles racontant des actes accomplis par Jésus durant son ministère (Évangiles ébionite, aux Égyptiens, aux Hébreux, etc.) qui ne nous sont parvenus que sous la forme de citations ou de bribes de manuscrits (Égerton, Oxyrhynque, etc.). Ils nous fournissent des renseignements sur la manière dont les passages évangéliques auxquels ils font référence ont été reçus dans les divers milieux ecclésiastiques : tendance judéo-chrétienne, gnostique, etc.
Au chap. 4, il décrit quelques Évangiles relatifs à la passion : l’« Évangile selon Pierre » et « l’Évangile de Juda » récemment publié, tous deux de tendance gnostique, ainsi que l’Évangile de Nicodème et les fameux « Actes de Pilate ».
Le chap. 5, passe en revue des textes qui se présentent généralement comme des enseignements secrets du ressuscité à ses disciples ; la plupart d’entre eux proviennent de la bibliothèque gnostique de Nag Hammadi, parmi lesquels citons : l’Épistola Apostolorum, l’Évangile selon Marie[-Madeleine] … et bien sûr l’Évangile de Thomas. Ce dernier rapporte beaucoup de paroles de Jésus semblables à celles des Évangiles canoniques ; mais la perspective est différente : la mort et la résurrection de Jésus n’y jouent « aucun rôle » (p. 176) ; pour l’Évangile de Thomas, il faut, individuellement, retrouver la connaissance (gnose) du monde d’où l’on vient (Le Royaume) pour y retourner (rédemption).
En conclusion, Jens Schröter dit que les apocryphes donnent un large éventail d’interprétations du fait Jésus, comme la littérature, les arts et le cinéma l’ont fait par la suite ; les évangiles canoniques donnant le critère de ce qu’il faut en retenir pour l’Église.
À une époque où la manière d’interpréter la vie de Jésus et les Évangiles échappe de plus en plus aux chrétiens, cet ouvrage témoigne qu’il s’agit là d’un phénomène ancien : l’Église doit sans cesse faire face à de nouveaux défis d’interprétation.
Alain Décoppet
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