(À propos d’un ouvrage récent)
Dominique CHARPIN, « Tu es de mon sang ». – Les alliances dans le Proche-Orient antique, Collection du Collège de France : Docetomnia, vol. 4, Paris, Éd. Les Belles-Lettres, 2019, 337 pp., 60 figs. n/b.
Un ouvrage majeur d’un épigraphiste et historien de l’Orient ancien : il s’agit là d’un ouvrage savant, mais destiné à un large public cultivé et à bien des égards révolutionnaire ! Contrairement à une forte tendance parmi les théologiens, notamment de l’école historico-critique en Allemagne depuis la fin du XIXème siècle (J. Wellhausen), il analyse finement et réhabilite ce thème fondamental de l’ALLIANCE comme mode de relation diplomatique entre les peuples durant toute l’Antiquité proche-orientale, de Sumer (au IIIème millénaire av. J.-C.) à la période des Perses (IVème s. av. J.-C.). L’enquête suit pas à pas l’historique de la recherche, ce qui rend le livre un peu touffu, mais très vivant. Pour une anthologie très utile de (presque) tous les textes concernés, voir l’ouvrage de K.A. Kitchen – P.J.N. Lawrence, Treaty, Law and Covenant in the Ancient Near East, – Abrév. : TCL, (2012) – (voir « Note additionnelle, 1 »).
Avant tout, l’auteur inclut dans sa quête, de manière très précise – et ceci est assez nouveau pour un travail d’orientaliste français -, la Bible Hébraïque (Ancien Testament). Ce mot latin de Testament(um) nous vient d’ailleurs de la traduction du terme hébreu Berît – « alliance », qui désigne bien « cet espace intermédiaire » du pacte, qu’il s’agisse de l’Alliance avec Dieu, dans la distance confiante avec l’Absolu, ou du contrat avec le prochain, dans un indispensable face à face humain – comme l’illustrent de nombreuses représentations antiques, du plus modeste cachet paléo-hébraïque (tel celui trouvé à Jérusalem en Janvier 2018 – Fig. 6) aux stèles et aux bas-reliefs de Syrie-Mésopotamie, ainsi la « stèle de l’alliance » trouvée à Ougarit (XIVème siècle av. J.-C. – Fig. 4), jadis exposée au Musée d’Alep.
Fig. 4 : Stèle (dite) de l’Alliance de Ras-Shamra – Ougarit (XIV° s. av. J.-C.), Musée d’Alep.
Pour une nouvelle approche de la thématique de l’Alliance :
Cette thématique de l’Alliance, qui a souvent été considérée comme tardive et parfois même secondaire par rapport à la Loi (Torâh) dans la littérature exégétique récente, peut-elle être réhabilitée et « réenchantée » par ces nouvelles recherches ?
Il importe en effet de comprendre qu’il s’agit là d’une véritable Denkform de l’Alliance (au sens de M. Weber et W. Dilthey), à savoir : à la fois une forme de pensée structurante de la société antique (ici sémitique) et une pensée de la forme, matérialisée et diffusée par la représentation de l’image, véritable support de la parole rituelle et du texte transmis. D’où les magnifiques monuments qui nous sont parvenus et qui illustrent ce thème par une iconographie « en miroir », avec deux personnages royaux (ou officiels) se faisant face, de part et d’autre d’un axe vertical central et virtuel.
Or ces documents figurés sont à même de confirmer la nouvelle étymologie à partir de la préposition babylonienne birît, qui désigne bien cet « (espace de) l’entre-deux » de l’Alliance (ce « Zwischenraum« , selon M. Noth), un usage spécifique bien documenté par les traités de Mari dès le 18ème siècle avant notre ère. Cette scène emblématique constitue comme le cristallin d’une vision du monde diffusée par le texte et par l’image (Heintz – 1995 (2015), pp. 284-322 ;Bodi (2018), pp. 165s. ;Charpin, pp. 257s.).
Dès lors le terme hébreu Berît n’est plus simplement à traduire par : « lien, obligation » (c’est l’étymologie la plus répandue, mais non la mieux étayée ! – cf. Heintz, pp. 319-321),avec une forte insistance sur l’aspect légal (testamentaire !), mais bien par « alliance », avec toutes ses composantes de pacte et d’accord interpersonnel et international, tous ses aspects éthiques et une totale « obligation de sincérité ». Cette dernière est bien exprimée, dans les traités de Mari et de Tell Leilan, par la formule : inalibbimgamrim – « dans la plénitude du coeur », qui figure précisément dans le Shema’ Israël en Dt 6, 4-9 : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur« , et dont la formule est reprise en 2 R 23, 1-4, où le roi Josias s’engage, en 627 av. J-C., avec son peuple dans l’Alliance renouvelée avec Dieu, le Deutéro-nome (cf. Charpin, pp. 257ss.). Et cette thématique passera tout naturellement de l’Ancienne (Ps 9, 1) à la Nouvelle Alliance (Mc 12, 32-34 ; Lc 6, 38-45).
Quelques petites « coquilles » à corriger : p. 19, 1ère ligne : lire : repoussé ; p. 259-haut : Dt 6, 4-9, au lieu de : 49 (!) ; p. 296-haut : Ramsès II.
Découvertes archéologiques récentes :
En effet, toute une série de découvertes archéologiques récentes vient conforter ces vues : outre les traités de Mari et de Leilan déjà évoqués, la découverte, en 2008, d’une copie du traité de vassalité du roi assyrien Assarhaddon dans le temple de Tell Tayinat, près d’Antakya en Turquie, a non seulement confirmé l’idée que les formules de malédictions du Deutéronome, ch. 13 et 28, et du Lévitique, ch. 26, pouvaient constituer un emprunt littéraire à la tradition assyrienne (cf. les travaux de H.-U. Steymans), mais le fait qu’un trou de suspension traverse cette tablette du traité (voir p. 249, Fig. 7-4) conforte l’idée qu’un document inscrit de ce genre ait été également présenté dans le Temple de Jérusalem, sans doute dès l’époque du roi Manassé (687-642 av.), donc avant le renouvellement de l’alliance par le roi Josias (p. 250).
De même, le minuscule cachet dédié : « Au gouverneur (de la) ville » en ce même VIIe siècle av. J.-C. (?), découvert en 2018 à Jérusalem aux abords de l’esplanade du Temple (Fig. 6), illustre bien le mode de transmission de cette thématique picto-idéographique de l’alliance, ces petits objets servant alors en multiples de médias dédiés et facilement transmissibles en tout lieu et dans toutes les couches de la société.
Et la frise d’un petit vase en albâtre de la Djézirèh (Syrie du Nord-Est), conservé au Musée de Damas (Fig. 5-b), reprend exactement – en réduction simplifiée – le modèle monumental de la base du trône du roi Salmanasar III du palais de Nimrud (vers 850 av. – Fig. 5) et a sans doute servi à l’accomplissement, par onction, d’un rituel d’alliance contemporain (cp. Os 12, 2-b – cf. Heintz, pp. 335-349). À Ebla déjà, au XXIVème siècle av. n. è., un texte de traité est désigné au début du texte, comme titre, simplement par : « tablette d’offrande d’huile » (p. 128 – cp. Gn 1, 1), ce qui illustre bien l’importance du rite.
Fig. 1 : Sceau-cylindre de la collection De Clercq, N° 390-ter (début du IIème millénaire av. n. è.).
Fig. 2 : Sceau-cylindre de la collection Pierpont Morgan, N° 950.
Fig. 3 : Empreinte de sceau sur une tablette d’Alalakh (niveauAlalakh VII, 1850-1750 av. n. è.).
Fig. 5 : Base du trône de Salmanasar III provenant du palais de Nimrud
(vers 850 av. n. è.), British Museum. – Registre central (détail).
Fig. 5-b : Vase d’albâtre de l’époque de Salmanasar III (vers 850 av. n. è.), provenant de la Djézirèh, Musée de Damas. – Profil et frise centrale développée.
Fig. 6 : Bulle (= empreinte de cachet cuite, diam. : – de 1cm. !) découverte à Jérusalem, fouilles officielles de la « Western Wall Plaza », le 1er Janvier 2018 : deux hommes, vêtus de manteaux striés, se font face, soutenant ensemble le croissant lunaire. L’inscription paléo-hébraïque, en bas, mentionne : « Au gouverneur (de la) ville », cette ville étant (peut-être ?) Jérusalem, 7ème s. av. n. ère (Remerciements à B. Sass).
« Détails » et indices :
Mon regretté collègue à l’École du Louvre, Daniel Arasse, a bien étudié l’importance du « détail » pour l’interprétation fine des œuvres d’art, dans son bel ouvrage : Le Détail. – Pour une histoire rapprochée de la peinture, Paris, Éd. Flammarion, 1992, 288 pp. : en retrouve-t-on des exemples dans notre « iconographie de l’alliance » ?
On peut en effet en citer au moins deux exemples :
(a) on note sur plusieurs des représentations, notamment les sceaux-cylindres (Figs. 1-2, 5) un traitement particulièrement soigné des « franges » du manteau cérémoniel que portent les deux protagonistes. Or l’une des expressions babyloniennes pour dire : « conclure une alliance » est : « nouer la frange (du manteau) ». Un texte de Mari (p. 86) dit bien : « Une frange éternelle (sissiktumdarêtum) sera nouée entre nous ». Est-ce là pur hasard ou véritable insistance graphique ?
(b) le sceau-cylindre de la collection De Clercq, N° 390-ter (Fig. 1), un exemplaire rare, bien présenté ici (p. 59, mais non utilisé dans le commentaire), est à mes yeux une représentation précise du rite du lipitnapishtim – « le toucher de la gorge » (pp. 48 ss., 67, 71-78, 172). La gorge est le principe de vie (cp. l’hébreunéphèsh !) qui est mise en jeu lors de ce rituel de l’alliance, soit positivement pour l’engagement des deux protagonistes (la vie), soit négativement en cas de parjure (la mort) – cp. Dt 13, 9 (voir p. 242), et cf. Am 5, 14s. et Jr 21, 8. Il faudrait sans doute revoir la légende, un peu réductrice : « deux rois en train de s’embrasser » (p. 59, Fig. 2-2 – cf. déjà Heintz, p. 318) !
Cet objet n’est pas isolé et joue un autre rôle essentiel pour la datation des documents iconographiques : en effet, P. Amiet le date de « la grande époque du classicisme syrien », au début du IIème millénaire av. J.-C., précisément celle (ou peu avant) des traités de Mari et de Tell Leilan. Et B. Teissier (en 1995, voir « Note additionnelle, 2« ) a établi un riche dossier comparatif de ces objets d’art miniature, largement diffusés et de facture égyptisante(?), en Syrie-Palestine et couvrant toute la première moitié du IIème millénaire avant notre ère.
La réserve énoncée à ce sujet par l’auteur : « même si l’on doit noter qu’elles sont plus tardives » (p. 258) n’est sans doute pas de mise ici, car ces sceaux-cylindres confirment au contraire la haute antiquité de notre modèle iconographique. Mais D. Charpin m’informe qu’il a sous presse un article sur « l’iconographie de l’alliance » : nul doute que celui-ci constituera une nouvelle avancée sur le sujet. Dies diem docet !
Conséquences méthodologiques pour l’exégèse :
Toutes ces découvertes devraient inciter les exégètes à plus de respect par rapport au texte massorétique (™) de la Bible, qui est à lire sans corrections inutiles et sans datations systématiquement « tardives », tant cette thématique de l’Alliance s’enracine historiquement dans la longue durée, dès avant la Loi mosaïque et le « livre de l’Alliance » (Ex 24, 7), dont elle fonde également le caractère binaire. Ce point serait d’ailleurs à approfondir …
Je plaiderais, pour ma part, pour une approche historico-critique renouvelée, fondée sur le triple socle de l’exégèse, la critique littéraire interne (I), mais aussi des études comparatives avec les textes orientaux anciens (II), ces deux niveaux étant fondés visuellement (et pas seulement « illustrés » !) par la riche tradition iconographique du Proche-Orient antique (III). De ce trépied méthodologique dépendra la validité de l’enquête historique … et théologique – comme le présent ouvrage le démontre avec brio en redonnant toute sa substance historique au concept d’Alliance (voir D. Bodi, cf. « Note additionnelle, 3 »).
La question de l’Alliance dans le Prophétisme :
En effet, si l’on s’en remet aux données statistiques, qui sont bien consignées dans les Concordances de la Bible, le Prophétisme semble à première vue presque ignorer cette thématique. Mais il s’agit là d’une impression fausse, car ici la structure de pensée (Denkform – ainsi déjà J. Begrich dans ZAW 1944) fonctionne comme une entité englobante et évidente … donc non exprimée ! On en trouve la double-preuve, d’une part dans la reprise des formules de béné-/malédictions des traités d’alliance par les oracles, respectivement de salut et de jugement prophétiques (voir supra, § « Détails »/b); et d’autre part, dans les condamnations du parjure et de la rupture de l’Alliance (cp. Jr 22, 9), qui prouve bien – a contrario – combien ce thème leur importait !
Le message des prophètes prend ainsi tout son sens, à la fois en reprise et en rupture avec ce modèle oriental: – en reprise, car l’image de l' »espace intermédiaire » du pacte conclu est empruntée au langage et aux représentations de l’époque, – mais en rupture, car ce plan purement humain et politique est dépassé pour tenter d’exprimer cette réalité indicible, celle d’une « Alliance » du Dieu unique et vivant avec Israël et – par son intermédiaire – avec l’humanité!
Parmi les théologiens de l’Ancien Testament, rares ont été ceux qui ont osé placer cette thématique au centre de leur œuvre, à l’exception de Walther Eichrodt (Bâle), dans sa : Theologie des Alten Testaments, 3 volumes (1933-35). Mon maître Edmond Jacob a repris en partie cette thématique dans sa Théologie de l’Ancien Testament (Neuchâtel, 1955), souvent rééditée et traduite, mais en l’équilibrant avec celle de l’Élection.
En Jérémie, chap. 31, la « Nouvelle Alliance » est une création de ce prophète au cœur de la crise de l’Exil en Babylonie, mais l’expression berît ‘olâm – « alliance éternelle » constitue bien chez Jérémie et chez Ézéchiel une référence à la tradition sacerdotale du Temple de Jérusalem, réactivée en réponse à la déportation – et qui fonde toute la vitalité de cette tradition (B. Renaud).
Histoire de la réception du thème :
Cette conception a-t-elle perduré en dehors de la tradition proprement biblique ? – On peut noter que cette « pensée structurante » (Denkform) de l’Alliance se poursuivra à travers les âges, surtout dans le Judaïsme où le texte fondateur se trouve dans le Talmud de Jérsalem, au traité Taanit, § 68c:
Les Tables de la Loi avaient une largeur de six palmes. Deux palmes étaient entre les mains de Dieu. Deux palmes étaient entre les mains de Moïse. Au milieu (be-émtsa), deux palmes étaient vides!
que reprend la pensée du Maharal de Prague (1512-1609), ainsi résumée par André Néher :
La Loi, en tant que èmsta – « moyen terme », constitue le fondement-même de l’Alliance théologique entre la Torâh de Dieu et la nature de l’homme. … Cet espace, ce vide, c’est l’Alliance elle-même, c’est le face-à-face de l’homme vivant devant Dieu, c’est l’en-train-de-se-faire de l’Alliance, c’est la relation et la communication à l’instant même où elles s’établissent (Le puits de l’exil, Paris, 1966, pp. 60ss., 92s.; – cp. Heintz, p. 349).
Et dans un ouvrage ultérieur d’André Néher, Faust et le Maharal de Prague, (Paris, 1987), pp. 110ss., cet auteur établit un parallèle éclairant entre les deux grandes figures de l’humanisme de la Renaissance, qui furent contemporains en cette fin du XVIème siècle : le Maharal et Michel-Ange. Réfléchissant tous les deux sur la relation de la créature à son Créateur, mais aussi sur le rapport inéluctable entre la raison et la foi, ces deux chercheurs d’absolu l’expriment par la même image de cette distance infime, cette èmsta: dans la célèbre fresque de « la Création » en la Chapelle Sixtine (Fig. 7), Michel-Ange donnera ainsi la plus prégnante des représentations artistiques de « cet espace sacré …, ce petit espace où tient l’infini de l’invisible et du mystère » (Émile Zola, Rome, Paris, 1900, p. 226).
Fig. 7 : Michel-Ange, Chapelle Sixtine, Rome : « La Création »
Dans la pensée juive du XXème siècle, cette thématique de la « Zwischenmenschlichkeit » – telle la résurgence d’une veine géologique ou celle d’un fleuve disparu – va constituer le pivot de la réflexion anthropologique et éthique de Martin Buber, comme principe d’un dialogue possible :
l’entre-deux (dasZwischen), représente une catégorie originelle de la réalité humaine qui transcende aussi bien le ‘Je’ et le ‘Tu’ que leur relation et qui fonde l’authenticité de la rencontre (die Begegnung), le fait de dire ‘Tu’ et de devenir ‘Je’ » (C. Schütz, Art. : « Buber, Martin (1878-1965), in : TheologischeRealenzyklopädie, Vol. VII (1981), pp. 253-258 (p. 255), – ma traduction).
Voici un extrait de cet ouvrage fondamental, publié en 1924, dans ce style admirable que je renonce ici à traduire :
« Der Mensch wird am Du zum Ich. … Geist in seiner menschlichen Kundgebung ist Antwort des Menschen an sein Du. Geist ist Wort. … Geist ist nicht im Ich, sondern zwischen Ich und Du » (M. Buber, Ich und Du. – Das dialogische Prinzip (1924), rééd. Gütersloh, 2006, p. 32s.).
Ce qu’un interprète récent de ce sujet exprime en ces termes :
L’espace intermédiaire, dasZwischen, est le lieu du vivre ensemble et du devenir, devenir de l’un et devenir de l’autre autant que du devenir ensemble. L’espace intermédiaire est l’espace de tous les enjeux et de toutes les possibilités, l’espace du je où l’un et l’autre se mettent en jeu (A. Kressmann, sur le site <ethikos.ch>, blog du 27/7/2010).
Ne dirait-on pas un commentaire bien tardif certes – puisqu’actuel -, mais combien pertinent de l’iconographie « en miroir » de nos scènes d’alliance (voir Figs. 1-6) ?
Et au terme de cette enquête, n’est-il pas frappant de retrouver la simple préposition babylonienne : birît – « entre », érigée sous sa forme substantivée (exactement comme dans le texte de Mari – ARM, 26/2, 404, ll. 9-12 : « ils se sont tous rejoints … (pour) discuter awatbirišunu = ‘de l’affaire de leur entre-deux’ (= de leur alliance) » – cf. Charpin, p. 55) en structure fondamentale de l’éthique et de la communication contemporaines – à près de 4000 ans de distance ? (cp. P. Bühler, Im Dazwischen – die Beziehung als Seelenmodell bei Martin Buber, 2013).
Alliance et Création, les deux pôles théologiques sont ainsi fixés dans l’attente de la « Nouvelle Alliance » en Jésus-Christ. Pour une époque (la nôtre !) où cette notion-même de « pacte » est fortement remise en cause par les plus puissants de ce monde, il vaut peut-être la peine d’y réfléchir et d’en rechercher les racines profondes sur la base de recherches historiques et exégétiques plus précises, telles que les offre ce remarquable ouvrage.
Jean-Georges Heintz,
Professeur hon. d’Ancien Testament à la Faculté de Théologie Protestante de l’Université de Strasbourg & d’Épigraphie sémitique à l’École du Louvre, Paris.
Ouvrages en français :
B. Renaud, Nouvelle ou éternelle alliance ? – Le message des prophètes, coll.: « Lectio Divina », Vol. 189, (Paris, Éd. Le Cerf, 2002), 378 pp.
Cahiers Évangile : B. Renaud, L’Alliance au cœur de la Torah, N° 143 (Avril 2008), et : E. Di Pede, L’Alliance chez les Prophètes, N° 172 (Juin 2015), ainsi que : J. Briend, R. Lebrun, É. Puech, Traités et serments dans le Proche-orient ancien, N° 81 (1992).
J.-G. Heintz, Prophétisme et Alliance. – Des Archives royales de Mari à la Bible Hébraïque, coll. Orbis Biblicus et Orientalis, Vol. 271, Fribourg-Göttingen, 2015, 373 pp. ill. (voir pp. 265-349).
Trois Notes additionnelles (pour poursuivre la recherche) :
Trois ouvrages fondamentaux, publiés en anglais, seraient ici à prendre en compte pour alimenter des recherches futures :
1) K.A. Kitchen – P.J.N. Lawrence, Treaty, Law and Covenant in the Ancient Near East, – Vol. I :The Texts, – Vol. II : Text, Notes and Chromogramms, (Wiesbaden, Éd. Harrassowitz, 2012) – (Abrév. : TCL), pour les documents-sources :
– Il s’agit d’une anthologie très utile de (presque) tous les textes concernés, que D. Charpin utilise (voir « Index », pp. 330s.), mais qu’il critique également, notamment en ce qui concerne les comparaisons et les datations, donc l’interprétation, par ex. celle des/par « chromogrammes » (voir pp. 251-254) : « un travail considérable, mais qui n’est absolument pas convaincant », notamment parce que « la comparaison thématique est faite à partir de l’index des sujets, ce qui est très dangereux » (p. 254), – même si celui-ci est en couleurs ! Il est vrai que depuis J.G. Frazer et son Rameau d’or (The Golden Bough. – A Study in Magic and Religion, 1ère éd., 2 vols., 1890) et ses fameux « Indices », on a fait des progrès ; mais, tout comme son célèbre prédécesseur, la valeur documentaire de cet ouvrage subsiste, permettant à l’avenir un dialogue à la fois plus ouvert et plus précis sur ces vastes sujets, comme un socle documentaire indispensable en vue de futurs progrès.
2) B. Teissier, Egyptian Iconography on Syro-Palestinian Cylinder Seals of the Middle Bronze Age, in coll. : « Orbis Biblicus et Orientalis – Series Archaeologica », Vol. 11, (Fribourg – Göttingen, 1995), 224 pp. (268 figs.) :
– Cette enquête approfondie fournit de nombreux exemplaires de notre « iconographie en miroir » de l’Alliance : voir p. 18, figs. 76 (g.), 100 (dr.), 263 et 266 (?) ; p. 52, figs. 21 (dr.), 97 (g.) & 100 (dr.) ; p. 70, figs. 102 et 104 ; p. 73, fig. 114. Ce riche dossier comparatif de sceaux-cylindres, objets d’art miniature de facture égyptisante (?) en Syrie-Palestine, largement diffusés et couvrant toute la première moitié du IIème millénaire avant notre ère, permet également de préciser la représentation de l’ « embrassade » (mais ici avec des déesses !) – par différenciation avec celle du rituel de « toucher de la gorge » (?) : voir p. 23, figs. 6, 7 et 8 (= p. 51, figs. 6, 7 et 8).
3) D. Bodi, « Mesopotamian and Anatolian Iconography », in (Collectif) :Behind the Scenes of the Old Testament, (Grand Rapids, Éd. Baker, 2018), pp. 165-171 :
– Notre méthodologie exégétique triple d’approche d’un thème est ici exposée (pp. 166s., et voir supra) : de son application précise dépendra la validité de l’enquête exégétique et historique du thème de l’alliance, bien sûr en maintenant comme objet d’étude central le corpus canonique de la Bible hébraïque (BH). – Cet ouvrage collectif donne par ailleurs un bon aperçu des diverses méthodologies actuellement utilisées dans le domaine de l’exégèse biblique : en dépassant le conflit des interprétations, une convergence des méthodes peut redonner toute sa substance historique au concept d’Alliance – comme le montre le bel ouvrage de D. Charpin.
Ces trois ouvrages (et même ce quatrième !) : le premier de l’ordre dutexte, le second de celui de l’image – et le troisième combinant cesdeux approches (« Texte et Image« ), illustrent bien toute la richessethématique de l’Alliance, ainsi que la dense et riche évolution historique de cette « Denkform » : nous n’avons voulu en illustrer ici qu’un aspect particulier, mais sans doute originel et fondamental à nos yeux.
PS : Si j’ai encore rédigé cette note sur l’ « Alliance », c’est en pensant aux jeunes chercheurs qui aborderont ce thème et pour leur présenter ces perspectives nouvelles – qui sont souvent d’anciennes à approfondir !
– « Nos élèves nous forment, nos travaux nous édifient », Martin Buber.
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