Il n’est guère besoin de présenter l’auteur, Professeur honoraire de Nouveau Testament à la Faculté de Théologie de Lausanne. Il est connu par ses nombreux travaux sur le christianisme primitif et notamment par un magistral commentaire en deux volumes sur les Actes des Apôtres.
Le livre de Daniel Marguerat se situe globalement dans la même perspective historique que celui de Jens Schrötter présenté ci-dessus. Je dirais aussi qu’il m’a paru plus pédagogique, plus accessible et plus complet que celui de son confrère allemand qui n’est pourtant pas destiné à un public d’érudits : les tenants et aboutissants des diverses problématiques sont bien expliqués.
Pour Marguerat, il est indéniable que Jésus a existé, la question qui se pose est de savoir « Quel Jésus a existé ? ». Après avoir passé en revue les diverses sources littéraires et archéologiques dont nous disposons pour dresser un portrait de Jésus, il aborde les diverses étapes de sa vie. Pour l’enfance (chapitre 2), il reprend l’hypothèse du Bruce Chilton qui voit en Jésus un mamzer, c’est-à-dire un bâtard né de père inconnu. Cela donnerait une explication psychologique de l’intérêt de Jésus pour les marginaux. Au chapitre 3, il consacre un long développement à traiter de la relation entre Jean-Baptiste et son disciple Jésus dont les évangiles auraient arrangé la présentation pour que Jésus n’apparaisse pas trop comme inférieur à son maître.
La deuxième partie (Chapitres 3-9) est consacrée au ministère de Jésus. Il y présente avec clarté et beaucoup de détails Jésus comme thaumaturge et exorciste. Ces miracles témoignent de la présence du Règne de Dieu que Jésus explique par des paraboles. Par lui le monde futur est déjà présent. Marguerat parle aussi de la « pureté offensive » (Cf. la recension ci-dessus sur le livre de Schrötter). Il insiste sur la miséricorde de Dieu dont Jésus est le reflet et qui prime sur la Loi avec ses règles de pureté. Il consacre aussi tout un chapitre aux différents cercles concentriques formés par ses disciples, allant des douze aux sympathisants lointains ; puis il aborde la montée de Jésus à Jérusalem avec les raisons de sa condamnation : en chassant les vendeurs du temple, Jésus a franchi une ligne rouge qui a retourné le peuple contre lui. Les raisons de sa condamnation par le Sanhédrin ne sont pas claires, mais pour Marguerat le grand-prêtre a habilement manœuvré de telle sorte qu’il puisse présenter à Pilate un homme reconnu coupable de prétentions messianiques susceptibles d’entraîner une condamnation à mort. Au sujet de la résurrection, il insiste sur le fait que Jésus a pris l’initiative de se faire voir par les témoins. Le terme utilisé se trouve dans l’Ancien Testament pour décrire une apparition spéciale de Dieu ou d’un ange, comme à Abraham (Gn 12, 7), à Moïse (Ex 3, 2), à Gédéon (Ju 6, 12). La résurrection ne peut être décrite. Toutefois Pâques fonctionne comme un coefficient qui donne sa pleine valeur à la vie et à la mort de Jésus : il n’est pas un homme comme les autres.
La dernière partie, et ce n’est pas le moindre intérêt de ce livre, traite de Jésus après Jésus. Il consacre quelques chapitres intéressants à décrire comment Jésus a été reçu et compris dans la littérature apocryphe, le Judaïsme et l’Islam.
Le livre de Daniel Marguerat est complet et bien informé ; il se lit facilement. Il a aussi le mérite d’intégrer les données de la littérature rabbinique, ce qui me paraît incontournable dans une telle entreprise.
Alain Décoppet
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