Michael Razzano (sous dir.) La violence, une fatalité ? – Charols, Éditions Excelsis 2017, – ISBN : 9782755003109 – 216 pages – € 18,00.
Ne dis-t-on pas souvent que la violence trouve son origine dans la religion ? La Bible elle-même contient des récits violents, voire des ordres invitant à massacrer les ennemis. Ce livre aborde le sujet en rapport avec la vie contemporaine.
Dans le premier chapitre, Émile Nicole enquête pour savoir si le monothéisme serait cause de violence, comme on le dit souvent ? Ne dit-on pas qu’une religion monothéiste, incapable de tolérer d’autres Dieu, est forcément violente ? Certes, l’Ancien Testament est exclusif : il n’y a pas d’autre dieu que celui d’Israël ; et le Nouveau Testament poursuit dans la même ligne. Mais au fond ce n’est pas cet exclusivisme qui cause la violence ; celle-ci est engendrée dès que la religion se lie avec le politique ; le Christianisme, au départ non-violent, est devenu violent quand il a été lié à l’Empire. Ce lien à une culture étatique peut se révéler quand des tabous alimentaires, la suprématie d’une langue deviennent de marqueurs religieux. Il remarque que l’Islam va de pair avec un lien politique et imprègne la culture par ses interdits alimentaires et sa langue.
Dans le chapitre 2, Karim Areski traite de « La violence dans l’Islam radical ». Suite aux divers attentats islamistes, Areski se demande ce qu’est le Jihad, prescrit par le Coran (22.78). Aux pp 41-42, il analyse la racine Djihad qui désigne un effort, une tension pour arriver à quelque chose : se maîtriser soi-même, lutter contre le mal, mais aussi lutter avec les armes. Le Jihad offensif a été allégué dès les premières années de l’Islam et encore par l’empire ottoman (pp 44-45).
Dès la p. 46, il indique les textes du Coran qui fondent le djihadisme, la doctrine selon laquelle l’Islam doit conquérir le monde. Pour les djihadistes, l’observation des 5 piliers de l’Islam, n’assure pas le salut, mais si l’on meurt dans le djihad, on peut en être sûr. À la p. 49, est expliquée sommairement la règle du “naskh” selon laquelle les sourates plus récentes abrogent les plus anciennes (plus pacifiques). Ensuite l’auteur explique les trois phases de la vie de Mohammed : 1, la phase de faiblesse pendant laquelle il a été bienveillant envers les chrétiens ; 2, la phase de consolidation où il a pris de la force et 3, la phase guerrière où, avec l’armée financée à partir des raids effectués pendant la phase 2, il est parti à la conquête du monde.
Dans l’esprit des djihadiistes d’ajourd’hui, la phase 1 a lieu quand les musulmans minoritaires font profil bas, la phase 2 quand ils commencent à influencer la société et la phase 3 quand ils prennent le pouvoir. (Il raconte que Mohammed a signé la paix d’Al-Houdaybia où, dans la faiblesse, il a accepté des compromis inadmissibles, en attendant d’être assez fort pour renverser la situation). Pour Areski, cette présentation des djihadistes n’est pas une caricature de l’Islam ; elle se fonde d’une manière sérieuse sur le Coran, les Hadith et la tradition (p. 60). Cependant, il faut souligner que l’exemple de Mohammed n’est pas toujours probant puisqu’il est désavoué comme pécheur à la sourate 80, et que la règle du Naskh est plus compliquée, car elle ne s’applique que dans des circonstances bien précises (pp 61-63).
En conclusion (pp 63-64), il invite à ne pas regarder le djihadisme comme la seule formulation de l’Islam, qui a donné au monde quelques esprits brillants comme Avicenne ou Averroès.
Dans le chapitre 3, « Violence et sacrifice, un dialogue avec René Girard » (pp 67-91), Henri Blocher présente la thèse bien connue de René Girard qui se veut chrétienne, mais qui refuse la valeur expiatoire du sacrifice. “Il nous fait assister à une réduction anthropologique de la théologie de la rédemption” (p. 83). Et de présenter une approche de la doctrine biblique du sacrifice.
Éric de Saint-Germain, dans « Le droit et la violence » (pp 113-132), traite du problème du droit. Selon Pascal, la force sans la justice est tyrannie, mais la justice sans la force est faiblesse. Comment les articuler ? Le but de la Torah, confirmée par le Nouveau Testament, est de mettre un frein à la violence en interrompant le cycle vengeance-représailles. Jésus, en étant Dieu, a pris sur lui, par son sacrifice, au nom de Dieu, le châtiment et la violence que méritaient nos péchés. Il brise ainsi le cercle vicieux de la violence, mais l’homme doit se repentir et accepter ce sacrifice substitutif en sa faveur.
Notons encore trois autres contributions intéressantes sur la violence au cinéma par Jean-Baptiste Separi, les violences familiales par Agnès Blocher et la guerre et le droit international de Charles-Éric de Saint-Germain. Ce dernier traite de la guerre juste ; mais comment faire pour définir des normes, alors qu’on a à faire à des groupes terroristes ? Les autres contributions sont signées de Micaël Razzano et Jean-Baptiste Separi.
C’est un livre stimulant qui fait réfléchir sur une question prégnante dans notre société occidentale. Quelle réponse l’Église va-t-elle lui apporter ?
Alain Décoppet
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