Nicolas Farelly, Lire l’Évangile selon Jean – en route pour la mission – Excelsis, Charols 2017, 119 pages, ISBN 978-2-7550-0314-7, € 10 ou CHF 11,50.
Nicolas Farelly est directeur de la formation au sein de la Fédération des Églises Évangéliques Baptistes de France (FEEBF), directeur de l’École Pastorale et rédacteur en chef des Cahiers de l’École Pastorale. Il est également professeur associé de Nouveau Testament à la Faculté Libre de Théologie de Vaux-sur-Seine (FLTE).
Après des études théologiques en France et aux États-Unis, il a soutenu sa thèse de doctorat à l’Université de Gloucestershire, en Angleterre, en 2009, sur « Les disciples dans l’Évangile selon Jean ». Sa thèse a été publiée (en Anglais) aux éditions Mohr-Siebeck en 2010. Auteur de plusieurs articles théologiques et exégétiques, il travaille actuellement sur un commentaire de l’Évangile selon Jean dans la série « La Bible et son message » d’Excelsis.
Ce petit livre fort bien fait est destiné à un large public intéressé par le quatrième évangile ; il se présente comme une « introduction théologique et narrative à l’Évangile selon Jean, mettant en avant quelques clefs de lecture particulièrement importantes pour aborder l’ensemble du récit de façon appropriée » (page 7). Des notes parfois étendues et, à la fin, une abondante bibliographie de cinq pages permettent au lecteur de poursuivre son étude. À la fin de chaque chapitre, on trouve des questions et thèmes de réflexion avec de la place pour fixer par écrit le fruit de ses propres cogitations.
Dans le chapitre d’introduction, l’auteur, après avoir donné un plan assez traditionnel de la structure de l’Évangile de Jean, le définit comme appartenant au genre littéraire du
bios . C’est une “christologie narrative”, donc un récit croyant qu’il ne faut pas confondre avec nos biographies modernes. L’Évangile de Jean sera lu dans la perspective de la Mission confiée par le Père au Fils qu’il a
envoyé et aux disciples qui, avec l’aide du Saint-Esprit, sont appelés à poursuivre l’œuvre du Fils.
Jésus est le messie, mais d’une manière différente que les Juifs attendaient : il utilise ses pouvoirs pour le bien de ses disciples, jusqu’à donner sa vie pour eux ! Jésus est fils comme les rois d’Israël, certes, mais ce titre est aussi signe de sa divinité (1,1 et 18). Jésus a une mission : être témoin de Dieu et juge du monde dans le procès entre Dieu et les hommes (le monde). L’intrigue est de savoir si Jésus arrivera à accomplir la mission pour laquelle il a été envoyé (page 28) ; sa mort semble dire que tout est compromis, mais sa résurrection est un retournement de situation. Au cours de tout l’Évangile, Jésus forme des disciples pour qu’ils reprennent à leur compte cette mission : le Paraclet promis (Jn 14 et 16), puis donné (Jn 20,22-23) leur permettra de la réaliser.
Ensuite Farelly aborde la question des destinataires du quatrième Évangile par une question à propos d’une difficulté textuelle dans Jn 20,31 : πιστεu[σ]ητε (
pisteu[s]éte) est-il un subjonctif aoriste, avec le sigma (σ) ou un subjonctif présent sans le sigma ? Le présent indiquerait que l’évangéliste veut conforter les destinataires dans leur processus de foi, l’aoriste inviterait les destinataires à
entrer dans un processus de foi . Farelly, avec plusieurs exégètes, penche plutôt pour la première solution. Le contexte de l’Évangile paraît répondre à un besoin « interne », comme le suggère le « nous » fréquemment utilisé. Il s’agit d’encourager une communauté souffrante, exclue de la synagogue. Mais il ne rejette pas définitivement un usage missionnaire de l’Évangile.
Dieu aime l’homme et veut lui donner la Vie d’en-haut ; mais l’homme est malmené par le péché. L’Évangile de Jean met en scène un procès entre Dieu et le monde où gît le péché (57-62). Jésus, en tant
qu’envoyé , représente Dieu à ce procès ; il est la
vérité , et le jugement sera déterminé par la position que les hommes prendront par rapport à lui, la vérité ; beaucoup la rejetteront (les
Juifs, le monde ). Mais la croix qui est le point culminant de ce rejet, est en même temps celui où Jésus, désigné comme roi (Jn 19,13 et 19-22), glorifie Dieu et est glorifié en donnant la vie au monde (Jean 7,37 et 19,35). Ce procès se poursuit après la mort de Jésus : les disciples, habités par l’Esprit de vérité, continuent à apporter le témoignage de Jésus et sont en butte à la même hostilité que leur maître. L’Esprit
défend (Farelly admet aussi le sens de
Consolateur , pour l’Esprit – p. 77) les disciples qui souffrent de rejet, mais en même temps, il
confond le monde en matière de péché (Jn 16.7-11).
Dans son Évangile, Jean aide le lecteur à s’identifier aux disciples de Jésus en faisant ressortir des situations analogues vécues au temps de Jésus et à la fin du 1
er
siècle, par la communauté johannique (par exemple l’exclusion de la synagogue – Jn 9,22 ; 12,42 et 16,2). Les fameux
malentendus johanniques (quand les disciples comprennent de travers une parole de Jésus – par exemple Jn 2,19-22) ont le même but.
On a parfois pensé que Jean était un évangile sectaire, où les disciples, bien au chaud dans leur cocon d’amour, se coupaient du monde. Il n’en est rien d’après Farelly. L’amour qui est demandé aux disciples entre eux est destiné à transmettre la vie, à l’image du Père, du Fils et de l’Esprit qui s’aiment mutuellement, mais œuvrent ensemble à transmettre la vie pour sauver le monde (Jn 13,34-35 ; 17,22-23). C’est ce à quoi l’Évangile de Jean est destiné. C’est pourquoi il faut le relire. Ce petit livre qui atteint bien le but qu’il s’était fixé, nous donne vraiment envie d’en reprendre la lecture !
Alain Décoppet
Les commentaires sont clôturés.