Jean-René Moret, Christ, la Loi et les Alliances – Les lettres aux Hébreux et de Paul : regards croisés – LIT Verlag Gmh & Co. KG Wien, Zurich 2017 – 105 p. – ISBN 978-3-643-90921-3 – € 29.90 ou CHF 29.90.
Jean-René Moret est physicien (EPFL) et doctorant en théologie à l’université de Fribourg ; il est actuellement pasteur dans une Église évangélique FREE, près de Genève.
La venue de Jésus a placé l’Église primitive devant la question des institutions de l’Ancien Testament : que faire désormais de la loi, des règles cultuelles, de l’alliance ? Quelle est leur place après la venue de Jésus ? Si elles sont devenues caduques, quelle était l’intention de Dieu en les mettant en place ? Ces questions ne concernent pas seulement l’Église primitive, elles sont encore actuelles pour l’Église d’aujourd’hui. Paul et l’auteur de l’Épître aux Hébreux ont apporté chacun leur réponse. Jean-René Moret s’attèle dans ce livre à comparer ces réponses, à mettre en évidence les similitudes et les différences de leur approche
Dans un chapitre d’introduction, il présente brièvement Paul et ses épîtres pour lesquelles il suit une chronologie évangélique classique en plaçant Galates avant 1 Thessaloniciens. Il situe ensuite la composition d’Hébreux avant la destruction du second Temple dans une période de persécution qui a suivi le martyre des apôtres Pierre et Paul.
Ensuite (chapitre 2), Moret se lance dans une étude minutieuse et bien documentée des institutions de l’Ancien Testament (essentiellement la loi et l’alliance) telles que Paul les perçoit. A cet effet, il analyse particulièrement les Épîtres aux Romains et aux Galates, mais aussi les autres, quoique plus brièvement, y compris Colossiens et Éphésiens qu’il considère comme pauliniennes. Il tient compte naturellement de la « nouvelle perspective » qui a le mérite de nous aider à nous dégager des ornières creusées par Luther qui a projeté sa problématique personnelle sur la théologie de Paul. Sans y adhérer en totalité, Moret en retient, avec N. T. Wright, que le but de Dieu, en appelant Abraham, était de créer un peuple judéo-païen (p. 36) ; mais il ne pense pas, contrairement à Dunn, que les « œuvres de la loi » soient à comprendre comme un marqueur identitaire.
Pour Paul, la loi ne sauve pas et, contrairement à son but précisé en Lévitique 18.5, elle est incapable de donner la vie, à cause de la faiblesse que le péché produit en l’homme. Le rôle de la loi est provisoire, destiné à montrer aux hommes leur état de péché. Elle est impuissante à sauver : Dieu a dû intervenir pour apporter une solution : la croix (la note 148 à la page 45 appuie l’idée que ιλαστηριον (Rom. 3,25) fait allusion aux rites de Kippour). Le but de la loi est Christ (Rom. 10,4) ; elle invite à se confier (foi) en Christ pour être sauvé. Sur la base de la justification accordée à celui qui croit, l’Esprit est donné pour rendre l’homme capable de mettre en pratique la loi. Cette partie se termine par un examen à mon sens trop rapide de Philippiens 3,1-11 où il ne prend pas suffisamment en compte l’argumentation que je trouve décisive de Daniel Marguerat (dans « Paul et la loi », in « Paul, une théologie en reconstruction » pages 251ss), lorsqu’il relève que Paul qualifie d’ ordures son irréprochabilité devant la loi, alors qu’il était dans le Judaïsme. Ce texte met à mal la notion de loi telle que présentée par le tenants de la « nouvelle perspective » sur Paul.
Dans le chapitre 3, Moret aborde l’Épître aux Hébreux où il va traiter deux questions :
- Comment Hébreux présente-t-elle la fonction du Christ et les exigences de cet office ?
- Qu’est-ce que Christ accomplit pour ceux qui bénéficient de son action ?
Hébreux présente essentiellement le Christ comme Grand-prêtre : Il est solidaire de l’humanité marquée par le mal (Hébr. 2). Mais c’est un grand-prêtre parfait ; cette notion importante est bien analysée et comporte entre autres, l’idée de consécration (hébreu : « remplir la main ») pour accomplir un sacerdoce. Il est apte à rendre parfaits ceux qui ont foi en lui.
Dans le « regard croisé » qu’il jette sur les théologies de Paul et de l’Épître aux Hébreux relatives aux institutions de l’Ancien Testament, Moret aboutit à la conclusion que leurs points de vue sont « largement similaires » (p. 100). Certes, dans Hébreux la loi n’est jamais présentée comme l’instrument du péché : elle doit sa faiblesse à son imperfection. Cependant – et là Hébreux et Paul ne sont pas si éloignés que ça – si les institutions de l’ancienne alliance sont imparfaites dans l’Épître aux Hébreux, c’est parce que les prêtres sont imparfaits et mortels à cause de leurs péchés, d’où la nécessité d’un Grand Prêtre parfait et éternel
, selon l’ordre de Melchisédek, comme le fut Jésus.
Remarques générales : l’écrit de Moret est de bon niveau ; il a pris connaissance des débats récents sur la question. Un petit regret : pourquoi, alors qu’il vise un public francophone, ne cite-t-il ni Quesnel ni Aletti qui ont à mon sens apporté des contributions intéressantes au sujet de la loi chez Paul ? Mais relevons que les chapitres sont bien charpentés avec, à la fin de chacun d’eux, un résumé qui permet au lecteur de se resituer dans le développement des arguments.
Alain Décoppet
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