Gwendoline Malogne-Fer et Yannick Fer, dir., Femmes et pentecôtismes : Enjeux d’autorité et rapports de genre. Genève : Labor et Fides, 2015. 296p. ISBN : 978-2-8309-1578-5 – € 20.–
Si on reconnait aujourd’hui au pentecôtisme ses dimensions multiples et complexes, d’où l’usage approprié et justifié du pluriel, c’est parce que de nombreuses études universitaires ont examiné bon nombre d’aspects d’une réalité qui est à la fois transnationale, transculturelle et transconfessionnelle. Le présent ouvrage s’inscrit dans cette démarche par son analyse de la place des femmes dans différentes Eglises et communautés d’un pentecôtisme de type protestant. L’approche choisie met en valeur les sciences sociales, puisque la douzaine d’auteurs est composée d’anthropologues, d’ethnologues et de sociologues, associés pour la plupart à des universités ou instituts européens. Leurs contributions sont issues de journées d’études qui se sont tenues à Paris en 2012. Elles s’intéressent tout particulièrement à la (re)distribution des positions d’autorité au sein d’un mouvement qui cherche à libérer l’expression personnelle de l’individu et à favoriser une transformation sociale tout en ayant paradoxalement une représentation très normée des identités féminine et masculine. Onze chapitres permettent de comprendre comment les rapports de genre s’articulent dans divers contextes nationaux et sur plusieurs continents (Liban, Cameroun, Australie, Canada/Québec, France, Suisse, Suède, Brésil).
Les directeurs de la publication proposent une introduction autant utile que perspicace pour sensibiliser le lecteur à l’importance des enjeux épistémologiques. Les enquêtes minutieuses des différents chercheurs s’intéressent aux relations entre expériences charismatiques, conservatisme moral et conditions des femmes. Elles sont réparties en trois parties complémentaires : (1) Genre, conversion et construction de la féminité ; (2) Genre et migrations ; et (3) Le genre de l’autorité religieuse en pentecôtismes.
L’ouvrage riche en descriptions empiriques nous montre combien il faut se méfier des stéréotypes, quand bien même le modèle patriarcal peut imposer des limites sociales plus ou moins importantes, selon le contexte ecclésial et culturel, à l’encontre de l’expérience pentecôtiste chez le genre féminin. On comprendra ainsi comment les conditions d’une féminisation fluctuante du pentecôtisme sont fortement liées à une lecture normative voire fondamentaliste de la Bible. On comprend aussi pourquoi le rôle prépondérant de l’autorité masculine n’est pas toujours handicapant pour des femmes dont les rôles peuvent revêtir des parcours très différents, celui-ci pouvant aller de femme de pasteur à celui de prophétesse en passant par celui d’évangéliste ou d’enseignante, sans oublier celui de pasteur bien sûr – des ministères pouvant être exercés en couple ou non.
Malgré l’apport incontestable des diverses analyses proposées, on regrettera quand même un manque de regard critique sur les origines multiples du pentecôtisme, adoptant résolument comme entrée en matière une lecture nord-américaine protestante très standardisée, proche d’une ritualisation de l’histoire. Une approche qui serait davantage multidisciplinaire aurait pu inclure un regard historique et surtout théologique qui aurait apporté un éclairage plus compréhensif à un ouvrage par ailleurs très riche en informations et stimulant de par ses réflexions.
Raymond Pfister
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