Corinne Egasse, Le lavement des pieds. Recherches sur une pratique négligée, Collection Christianismes antiques, Genève, Labor et Fides, 2015, 344 pages. ISBN : 978-2-8309-1580-8. 56 CHF ou 45 € .
Corinne Egasse est docteur en théologie de la Faculté de théologie et de science des religions de Lausanne. Elle travaille à la Faculté de Théologie Adventiste de Collonges-sous-Salève.
Le livre que nous présentons est la reprise de sa thèse de doctorat consacrée au lavement des pieds. Elle part de la question suivante : « Si Jésus a dit : ‘Vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres’, pourquoi le lavement des pieds n’est-il pas devenu un sacrement dans l’Église au même titre que la baptême et la sainte cène ? » L’occasion de cette question lui est fournie par Origène dans son commentaire sur l’Évangile selon Jean : il concède certes que ce geste peut être accompli par des chrétiens pour se rendre service, mais s’il s’agit d’une obligation impérieuse, « Il est temps de dire que presque tous ont transgressé cet ordre-là » (p. 10). Ce presque d’Origène a excité la curiosité de la chercheuse et l’a entraînée dans une enquête passionnante pour retrouver, dans l’antiquité, les quelques chrétiens qui pratiquaient le lavement des pieds.
Pour commencer, Corinne Egasse fait une recherche dans la littérature moyen-orientale, biblique et gréco-romaine pour établir les diverses significations du lavement des pieds dans l’antiquité. Elle le présente sous quatre aspects : un geste de soins corporels, une marque d’hospitalité, un symbole de servitude (il était souvent accompli par un-e esclave), un rituel de purification. Aux pages 65-66, elle souligne, exemples à l’appui, que ce geste, bien que servile, pouvait être accompli par amour.
A partir de cette base, l’auteur aborde les textes du Nouveau Testament qui parlent de lavements des pieds, comme les onctions à Béthanie, les veuves qui « ont lavé les pieds des saints (1 Tm 5,10) et s’arrête plus longuement au lavement des pieds de Jean 13. L’intérêt de son analyse est de montrer que l’acte de Jésus de laver les pieds de ses disciples n’est pas une démonstration d’humilité comme l’ont dit beaucoup de commentateurs, mais un acte d’amour et une investiture pour la mission ; les disciples « auront désormais part avec Jésus à l’œuvre confiée ‘par celui qui m’a envoyé’ » (p. 105). Cela fait penser à la forme proverbiale qu’avait prise, dans l’Antiquité, l’expression « se laver les pieds », pour dire avoir une initiation ou une formation préalable (pp. 64-65).
Après le Nouveau Testament, Corinne Egasse se lance dans une vaste enquête sur la pratique du lavement des pieds dans l’Église primitive. Il a été pratiqué dans les milieux judéo-chrétiens (p. 298), mais les témoignages sont rares, et il n’était quasiment plus pratiqué à partir du III e siècle. Preuves en soient le commentaire d’Origène, sur lequel l’auteur s’arrête longuement, et ceux de Chrysostome, Augustin, etc. Cependant, Ambroise de Milan atteste que le lavement des pieds accompagnait le baptême dans le Nord de l’Italie à la fin du IV e siècle. On en a encore des attestations en Espagne et en Gaule. Mais ce rite disparut avec la généralisation du baptême des enfants.
Aujourd’hui le lavement des pieds n’est plus beaucoup pratiqué, sinon par des Églises mennonites, adventistes, etc., et, du côté catholique, par les Communautés de l’Arche créées par Jean Vannier.
Ce livre qui, rappelons-le, reprend une thèse de doctorat, n’aborde que peu le côté pratique de ce rite. Néanmoins, il m’a fait réfléchir : « Pourquoi négligeons-nous de pratiquer ce geste qui correspond tout de même à une ordre de Jésus ? »
Alain Décoppet
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