James Earle Patrick (sous dir.) Jésus, rois des juifs ? – une invitation œcu-ménique à réexaminer l’identité juive de l’Église

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James Earle Patrick (sous dir.) Jésus, rois des juifs ? – une invitation œcuménique à réexaminer l’identité juive de l’Église, Éditions des Béatitudes, 2022 – ISBN 9791030604207 – 110 pages – € 13.

Ce petit livre, rédigé sous la direction du Dr James Earle Patrick de l’université d’Oxford, coordinateur théologique de Towards Jerusalem Council II – Europe, contient des contributions rédigées par divers théologiens catholiques, protestants et juifs messianiques.

Après des siècles de théologie du remplacement (disant que l’Église a remplacé Israël dans le plan divin du salut), les événements du 20e siècle, particulièrement la Shoah, ont amené les chrétiens à s’interroger sur leur rapport au judaïsme. Ce questionnement a été rendu encore plus actuel par l’émergence, un peu partout, de communautés de Juifs qui ont reconnu en Jésus le Messie, tout en désirant continuer à pratiquer leur judaïsme, sans se fondre dans les Églises chrétiennes existantes. Quelle place leur donner dans l’Église universelle ?

Après une introduction de J. Patrick, présentant un bref historique de la question, J. Tück (chap. 1) revient sur le passé des relations judéo-chrétiennes : l’Église a dû les regarder avec honnêteté et reconnaître que son dénigrement séculaire du judaïsme avait préparé le terreau sur lequel l’antisémitisme avait pu fleurir et aboutir au drame de la Shoah. Un rapprochement réciproque en a découlé, dû en bonne partie à une redécouverte de la judéité de Jésus : les juifs ont pu plus ou moins se l’approprier comme un des leurs, et les chrétiens retrouver leurs racines juives.

Au chapitre 2, J. Cornides examine les conséquences fâcheuses, pour la théologie chrétienne, de la rupture entre juifs et chrétiens : La christologie a été tentée par un docétisme de facto qui peinait à intégrer concrètement l’incarnation ; en conséquence, la sotériologie a été spiritualisée (le salut consistant à « aller au ciel » après la mort, sans tenir compte de l’aspect terrestre et pratique du salut biblique). Enfin, la lecture allégorique de la Bible, en dehors de son terreau juif, a mis l’Église en péril. Remarquons le rôle décisif, que le judaïsme a joué, par la bande, pour qu’on retrouve le sens naturel de la Bible dans l’Église !

Dans le chapitre suivant le rabbin Mark Kinzer, juif messianique, attire notre attention sur le titre « Roi des Juifs » donné à Jésus dans les Évangiles (Mt 2 et Jn 19). Cela donne une « perspective christologique sur le peuple juif et une perspective juive sur la christologie » (p. 70). L’Église ne peut plus exclure le judaïsme de la royauté de son Seigneur.

Le 4e chapitre, rédigé par Sr Mary Paul Friemel, présente les intuitions du Père Peter Hocken (1932-2017) avec qui elle a travaillé. Je retiendrai l’idée centrale que la séparation de l’Église et d’Israël constitue une sorte de matrice des schismes ultérieurs : en effetl’Église a prétendu rendre l’ancien Israël inutile en devenant elle-même le « véritable Israël ». Suivant ce modèle, chaque nouvelle Église issue d’un schisme ou d’une séparation, a prétendu être la seule véritable. Cela demande une repentance, et, face à Israël, un repositionnement pour donner au juifs messianiques la place qui leur revient dans le plan de Dieu.

Dans la postface, Mgr Ole Kwarme (luthérien) invite les chrétiens à considérer les juifs messianiques comme une composante essentielle de l’Église, à côté des pagano-chrétiens.

Notons qu’à la fin de chaque chapitre, une bibliographie permet de poursuivre la réflexion entamée.

Ce petit livre me paraît capital pour que l’Église universelle puisse bien négocier un tournant important de sa route vers le Seigneur qui revient.

Alain Décoppet

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