Maurice Hadjadj, L’Apocalypse ou le triomphe de Jésus-Christ,

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Maurice Hadjadj, L’Apocalypse ou le triomphe de Jésus-Christ, Saint-Légier, Éditions Emmaüs, 2015, 406 pages. ISBN: 978-2-940488-27-8. 34 CHF.

HadjadjMaurice Hadjdaj est actuellement pasteur « à la retraite », après avoir exercé son ministère au sein de diverses églises de l’Union des Églises Évangéliques Libres de France. Il a suivi son cursus théologique à l’Institut Biblique de Nogent-sur-Marne et à la Faculté Libre de Théologie Evangélique de Vaux-sur-Seine.

Pour l’auteur, l’Apocalypse n’est pas un récit énigmatique qu’il faudrait décoder comme les Centuries de Nostradamus, afin de savoir ce qui va se passer dans l’avenir. Non, l’Apocalypse est d’abord « Révélation de Jésus-Christ » (1,1), dans le sens qu’elle nous dévoile la personne de Jésus. Ce christocentrisme est incontestablement un point fort de ce commentaire. Il nous évite les interprétations extravagantes et fantaisistes de certains interprètes qui, à force de vouloir faire coller la ‘‘prophétie’’ à l’actualité sont sans cesse obligés de donner de nouveaux noms aux personnages symboliques du texte biblique. « On a trop souvent négligé le fait que ce livre (l’Apocalypse), écrit Maurice Hadjadj, n’annonce pas à proprement parler les événements de la Fin historique du monde, mais surtout qu’il dévoile les lignes maîtresses qui, dans l’histoire de ce monde, le mènent inéluctablement vers sa Fin » (p. 467). Tout au long de son commentaire, il essaie de mettre en évidence les deux intentions claires de Jean de Patmos lorsqu’il rédige son Apocalypse : « fortifier la foi et l’espérance que ses destinataires placent en Jésus-Christ tandis qu’ils sont en butte à l’hostilité ambiante ; et les éclairer sur le mal qui ronge la société humaine et qui peut les menacer. » (p. 465). Jésus y est certes présenté comme un juge (notons que ce jugement est d’abord provoqué par la Parole du Christ qui impose un choix et une prise de position face au Christ) ; mais Jésus est aussi présenté comme un médecin qui diagnostique le mal pour que le malade puisse adopter une hygiène de vie spirituelle propre à sa guérison et à sa santé.

Le lecteur appréciera de trouver, à la fin de chaque section, un résumé qui en fait la synthèse. En revanche, on n’y trouvera pas de plan montrant d’une manière très poussée la structure de l’Apocalypse, comme on en trouve par exemple dans les deux tomes du commentaire de Jean-Pierre Charlier ( Comprendre l’Apocalypse , Paris, Cerf, 1991).

Ce commentaire se rattache au courant idéaliste dont le défaut est à mon avis de ne pas suffisamment prendre en compte l’ancrage historique de l’Apocalypse. Cela apparaît notamment dans l’analyse des chapitres 2 et 3, où Maurice Hadjaj accorde peu d’importance à la situation historique des Églises auxquelles s’adresse l’apôtre, alors qu’à mon avis cela apporte un éclairage crucial pour leur compréhension. De même, dans l’interprétation des 4 cavaliers (Ap 6,1-8), il veut tellement y voir le Christ qu’il arrive même à le trouver dans chacun d’eux ! Si cette interprétation est tout à fait défendable pour le premier cavalier, le blanc, elle me paraît en revanche beaucoup plus discutable pour les trois autres : ainsi, à la page 111, par exemple, il voit dans le cheval rouge qui enlève la paix sur la terre (Ap 6,4), une figure du Christ venu amener l’hostilité du monde envers ses disciples (Jn 15,18s ; Mt 24,9s). L’épée donnée au cavalier serait la Parole de Dieu (Ap 1,16) qui, en jugeant les hommes, déclencherait la persécution contre les chrétiens. Le verbe sphazô appliqué généralement dans l’Apocalypse au Christ immolé ou au martyre des serviteurs de Dieu irait dans ce sens. Mais on est obligé, pour faire tenir cette interprétation, de passer comme chat sur braise sur l’expression « l’un l’autre – allèlous » qui lui est jointe et cadre mal avec cette interprétation.

J’ajouterais encore que ce commentaire, à mon sens, entre essentiellement en débat avec les différentes approches de l’Apocalypse qu’on trouve à l’intérieur du monde évangélique. Il n’entre guère, sinon incidemment, en dialogue avec les grands commentaires de la critique historique. La bibliographie qui ne les cite quasiment pas en est la preuve. Il apportera donc, surtout au monde évangélique, une approche renouvelée et renouvelante qu’on aurait tort de négliger.

Alain Décoppet

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