Croire, expliquer, vivre, de Yannick Imbert – Recension

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Imbert_CEVYannick Imbert, Croire, expliquer, vivre, Introduction à l’apologétique, Ed. Excelsis – Kerygma, 2014, Collection: Aix-cursus, EAN: 9782755002096 – 336 pages – 23,00 €

« Ce livre est plus que bienvenu. C’est un événement, car il n’existe rien de ce genre à ma connaissance : écrit en français par un Français et pour des francophones […] » (p. 12). Ainsi s’exprime dans la préface W. Edgar, prédécesseur de l’A. à la Faculté Jean Calvin. En effet, si l’on considère, dans le cadre du protestantisme francophone, le genre du manuel d’apologétique, enseignant pourquoi et comment présenter une foi protestante attachée au credo entendu littéralement, il semble qu’il faille remonter un siècle précisément avec le Cours de Gaston Frommel. Il était temps !

L’A. part d’un constat honnête : le monde est en errance. Mais nous, tout chrétiens que nous sommes, en un sens nous le sommes aussi, ne sachant pas bien quoi dire, quoi faire, et, lorsque nous le savons, nous ne le faisons pas toujours (p. 18). Toutefois, confiant dans la puissance de Dieu qui agit en nous, l’A. souhaite que nous soyons convaincus tout d’abord que l’apologétique est de Dieu, qu’elle est biblique (partie I), ensuite qu’elle est une : un modèle utile nous est proposé par l’A. (partie II), et enfin qu’elle est intégrale, que c’est de tout son être, personnel et ecclésial, que l’on est apologète (partie III). Et puis, en route ! Car, bien que de nombreux écueils se trouvent sur le chemin du chrétien qui veut davantage assumer la foi qui lui vient de Dieu – écueils que l’A. souligne au fur et à mesure de l’ouvrage –, annoncer l’Évangile avec sérieux, présenter la foi chrétienne avec force est à notre portée. Telle est la conviction de l’A., qui n’a pas peur d’appeler son lecteur implicite « l’apologète » (p.ex. p. 166) !

Quelle est alors l’apologétique à laquelle il entend former ? Une apologétique qui se situe, d’après l’A., dans le droit fil de l’apologétique qui se donne à lire dans la Bible entière, à l’étude de laquelle – sous le prisme de cette thématique – il a consacré utilement l’essentiel de la première partie de son ouvrage (p. 45-98). En quoi consiste maintenant l’apologétique qu’il met à jour ? En voici un aperçu : l’A. souligne d’abord que ce qui régente notre vie, chrétien ou non, c’est une vision du monde (chap. 4) ; il s’efforce ensuite de montrer que, puisque Dieu nous a tous créés, et puisque, au plus profond de nous, nous savons cela, dans la mesure où nous reconnaissons Dieu / nous lui dénions l’existence, nos visions du monde sont plus ou moins cohérentes (chap. 5) ; enfin, et par conséquent, notre apologétique peut se dérouler comme suit : 1° montrer à notre prochain les contradictions théoriques ou pratiques auxquelles son refus de Dieu l’amène 2° donner à voir et à entendre notre espérance, de façon appropriée à notre interlocuteur (chap. 6). Après cela, l’auteur donne un bel aperçu de ce que cela peut donner face à quelqu’un qui est marqué par le bouddhisme, qui se revendique athée, qui est matérialiste ou encore de confession musulmane.

Est-ce à dire que, pour l’A., l’apologétique est une question de débat d’idées ? Il est vrai que, pour l’A., la pensée, la connaissance, la vérité, la raison et l’argumentation sont capitales. Toutefois, il en a une conception large : la connaissance est à entendre au sens biblique (p. 118-119), la vérité chrétienne à communiquer n’est pas « un système ultra-rationnel rassemblant les enseignements bibliques » (p. 119), la joie peut avoir force d’argument (p. 226), etc. Et plus encore, il ne réduit pas notre apologétique à la parole, bien qu’elle en soit l’aiguillon, la pointe (chap. 8). En effet, notre attitude et nos émotions peuvent soutenir puissamment nos paroles et nos discours, ou les contredire (chap. 7). Et de même en va-t-il de l’Église (elle aussi apologète !) : elle a à manifester la grâce, mais aussi la justice, ainsi que l’harmonie (chap. 9), c’est ensemble que l’on est appelé à être lumière.

À quel public cet ouvrage est-il destiné ? À tout chrétien qui, aimant Dieu, aimant sa Parole, aimant son prochain, aimant le monde, veut progresser dans le témoignage de la foi. L’A. en effet a un grand sens de la pédagogie : la structure est clairement dessinée, une série de questions de compréhension et de réflexion clôt chaque chapitre, un glossaire de 43 notions fréquentes ou de concepts techniques se situe en fin d’ouvrage, le propos est riche en images et références culturelles, etc. Mais cet ouvrage peut clairement être un tremplin pour la recherche dans le domaine de l’apologétique, notamment par ses indications bibliographiques « pour aller plus loin » à la fin de chaque chapitre et par une bibliographie fournie et classée en huit catégories, ainsi que, tout simplement, par un discours qui ne simplifie pas à en être simpliste. Maintenant, est-ce vraiment un livre pour des chrétiens de tous bords ? Pour ceux qui ne connaîtraient pas l’A., on découvre assez rapidement ses appartenances : réformé ecclésialement, néo-calviniste en théologie, présuppositionaliste en apologétique. Est-ce à dire que si les appartenances du lecteur sont autres, il risque de ne point y trouver son compte ? Je serai plutôt d’avis contraire et pense cet ouvrage assez fin pour servir bien plus largement : nombreux sont les balancements de la pensée qui équilibrent le propos, qui ne perd jamais pour autant sa saveur propre.

À ceux qui auraient voulu un mode d’emploi, l’A. répond « je crois que nous ne pouvons pas déterminer un plan de route aussi précis » (p. 296), mais offre quand même une sympathique boîte à outils (p. 187-204). Et à ceux qui auraient aimé un appel à l’évangélisation improvisée, l’A. met en garde contre de nombreuses fautes que les chrétiens font en la matière, fautes bêtes, trop nombreuses, que l’on pourrait éviter par une simple formation – comme celle qu’il propose à tous par cet ouvrage, en rappelant, mais à la fin, que le temps de la pratique est alors venu. Aussi, ni mode d’emploi, ni appel à l’improvisation, ce manuel est, dans ce domaine, bien utile et bien venu.

Charles Vanseymortier

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